
Un arbre poussant au travers d’un créneau de fusillade d’angle de la tour-modèle n° 1 type 1811 de la pointe des Espagnols (2016). Photographie Fortification et Mémoire.
Les différentes « tour-modèle 1811 »
Dans cette deuxième partie, nous allons passer en revue les différents modèles de « tour-modèle ».
La tour-modèle n°1
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Elle se présente comme un carré de seize mètres de côté à sa base et de vingt-quatre pieds de haut (environ neuf mètres). L’épaisseur des murs varie entre un mètre quatre-vingt-dix et deux mètres. Elle peut accueillir soixante hommes.
Le premier niveau, en sous-sol, sert de magasin. Il est voûté en plein cintre en s’appuyant, d’un côté, au mur extérieur, et de l’autre, sur un robuste pilier central. Cette construction est à l’épreuve des bombes (celles d’avant la crise de l’obus-torpille), et accessible par un escalier droit pratiqué dans l’épaisseur des murs. Ce premier niveau est percé de six soupiraux à embrasement intérieur sur deux côtés et trois sur les deux autres. Ceux-ci peuvent servir de créneaux de tir pour flanquer le fossé sec. Il comporte quatre pièces, dont un magasin à poudre : « capable de contenir les poudres et les gargousses pour quatre mille coups de canon ou deux cents coups par pièce », un petit atelier : « pouvant contenir une forge, le charbon, les fers, les pièces de rechange, pour réparer les affûts » et un magasin de vivres : « capable de contenir le biscuit, la farine, les légumes, le vin, la viande salée, l’huile, le tabac pour cent vingt hommes pendant vingt jours ». L’une des quatre pièces est en partie occupée par l’emprise de l’escalier de communication intérieur. On peut, éventuellement, disposer d’une citerne en dessous.

Plan du rez-de-chaussée (cave) d’une tour-modèle n°1. On remarque les conduits d’aération chicanés du magasin à poudre et les créneaux de fusillade.
Au deuxième niveau, voûté également à l’épreuve des bombes, se trouve la porte d’entrée précédé d’un pont-levis basculant. Le pont-levis est équilibré par deux contrepoids à translation verticale reliés au tablier par des chaînes de manœuvre passant sur des poulies à gorge logées dans deux passages percés dans le linteau de la porte. En se relevant, il vient s’encastrer entre les deux pilastres, et constitue ainsi une protection extérieure de la porte proprement dite. Ce pont-levis est précédé d’un pont-dormant.
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Cet étage à pièce unique, à voûte d’arête, s’appuie sur les murs extérieurs, et à l’intérieur, sur un pilier central. Cette pièce sert de logement à la garnison et comporte deux cheminées encastrées dans les parois extérieures.

La cheminée du rez-de-chaussée de la tour modèle de la pointe Espagnols. Photographie Fortification et Mémoire.
Elle comporte quarante-neuf créneaux de fusillade à axes divergents et ébrasement intérieur, disposés à raison de treize sur les trois faces et six sur la face avant, plus un dans chaque angle débouchant dans un pan coupé. Huit de ces créneaux ont un embrasement intérieur commun deux à deux, chaque fois que les dispositions intérieures (portes, cheminées) réduisent l’espace disponible. Ce niveau renferme deux pièces d’artillerie pour tirer au travers des embrasures situées de chaque côté de la porte. Sur le linteau de la porte, il est possible de trouver la date de construction.

Plan de l’étage de la tour-modèle n°1. On remarque : les deux pièces d’artillerie, le pilier central, les créneaux de fusillade et le campement pour soixante hommes.
La plateforme sommitale, au troisième niveau, est dallée à quatre pentes formant une pointe de diamant. Elle est entourée d’un robuste parapet crénelé en surplomb sur les parois de la tour et reposant sur des corbeaux en quart de rond. Ce parapet comporte une bretèche (dite « balcon à mâchicoulis ») au milieu de chaque face, portée par quatre corbeaux à deux quarts de rond, pour le flanquement vertical et latéral. Il comporte cinquante-deux créneaux de fusillade ainsi répartis : huit créneaux à axe divergent dans chaque face (trois de chaque côté de la bretèche), un créneau dans chaque pan coupé d’angle, cinq créneaux par bretèche, à raison de trois dans le mur de face et un dans chaque paroi latérale.

Plateforme sommitale de la tour-modèle n°1. On remarque la pièce d’artillerie et son affût pivotant et les quatre bretèches.
L’armement réglementaire de la plateforme consiste en quatre caronades de 24 sur affûts tournants ou de quatre pièces de 24 ou de 16 sur affûts de côte positionnés sur sa plateforme. L’accès à cette plateforme est fermé par une trappe.
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La défense rapprochée consiste en : un fossé sec, une contrescarpe, un chemin couvert de trois pieds de largeur avec places d’armes, dans l’une desquelles on peut trouver un puits ou une citerne et un glacis de quinze pieds de relief.
La tour-modèle n°1 de la Pointe des Espagnols dans la presqu’ile de Roscanvel (Finistère) :
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La tour-modèle n°1 de la Pointe de Cornouaille (Finistère) :
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La tour-modèle n°1 de la Croix des Signaux Toulon /Saint-Mandrier (Var) : elle est érigée en 1812. De 1849 à 1853, on construit autour de cette tour un rempart avec casernement donnant à l’ensemble la forme d’un fort pentagonal, la tour formant saillant au centre de la gorge.
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La tour-modèle n°2
Elle se présente comme un carré de dix mètres cinquante de côté à sa base et de vingt-quatre pieds de haut (environ neuf mètres). L’épaisseur des murs varie entre un mètre quatre-vingt-dix et deux mètres. Elle peut accueillir trente hommes.
Le premier niveau, en sous-sol, sert de magasin. Il est voûté (à l’identique de la tour-modèle n°1) et, accessible par un escalier droit intérieur. Ce premier niveau est percé de deux soupiraux à embrasement intérieur par côté, ceux-ci peuvent servir de créneaux de tir pour flanquer le fossé sec. Il comporte quatre pièces, dont un magasin à poudre : « capable de contenir les poudres et les gargousses pour seize cent coups de canon », un petit atelier : « sans forge, les fers, les pièces de rechange, pour réparer les affûts » et un magasin de vivres : « capable de contenir le biscuit, la farine, les légumes, le vin, la viande salée, l’huile, le tabac pour quarante-huit hommes pendant dix jours ». L’une des quatre pièces est en partie occupée par l’emprise de l’escalier de communication intérieur. On peut éventuellement, disposer d’une citerne en dessous.
Au deuxième niveau, voûté également, et à l’épreuve des bombes, se trouve la porte d’entrée précédée d’un pont-levis. Le pont-levis est équilibré par deux contrepoids à translation verticale reliés au tablier par des chaînes de manœuvre passant sur des poulies à gorge logées dans deux passages percés dans le linteau de la porte. En se relevant, il vient s’encastrer entre les deux pilastres, et constitue ainsi une protection extérieure de la porte proprement dite. et contrepoids. Ce pont-levis est précédé d’un pont-dormant. Cet étage à pièce unique à voûte d’arête s’appuyant sur les murs extérieurs, et à l’intérieur sur un pilier central. Cette pièce sert de logement à la garnison et comporte deux cheminées encastrées dans les parois extérieures. Elle comporte trente-sept créneaux de fusillade à axes divergents et ébrasement intérieur, disposés à raison de neuf sur les trois faces et six sur la face avant, plus un dans chaque angle débouchant dans un pan coupé. Huit de ces créneaux ont un embrasement intérieur commun deux à deux, chaque fois que les dispositions intérieures (portes, cheminées) réduisent l’espace disponible. Sur le linteau de la porte, il est possible de trouver la date de construction.
La plateforme sommitale, au troisième niveau, est dallée à quatre pentes formant pointe de diamant et entourée d’un robuste parapet crénelé en surplomb sur les parois de la tour et repose sur des corbeaux en quart de rond. Ce parapet comporte une bretèche (dite « balcon à mâchicoulis ») au milieu de chaque face, portée par trois corbeaux à deux quarts de rond, pour le flanquement vertical et latéral. Il comporte quarante-huit créneaux de fusillade ainsi répartis : six créneaux à axe divergent dans chaque face (trois de chaque côté de la bretèche), un créneau dans chaque pan coupé d’angle, cinq créneaux par bretèche, à raison de trois dans le mur de face et un dans chaque paroi latérale. L’armement réglementaire consiste en deux caronades de 18 sur affûts tournants ou deux pièces de 6 positionnés sur sa plateforme. L’accès à cette plateforme est fermé par une trappe.
La défense rapprochée consiste en : un fossé sec sans contrescarpe, un chemin couvert de trois pieds de largeur sans places d’armes et de quinze pieds de relief sur le terrain naturel. Aux abords ou dans le fossé, on peut trouver un puits ou une citerne.
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La tour-modèle n°3
Elle se présente comme un carré de neuf mètres de côté à sa base et de vingt-quatre pieds de haut (environ neuf mètres). L’épaisseur des murs varie entre un mètre quatre-vingt-dix et deux mètres. L’armement réglementaire consiste en deux caronades. Elle peut accueillir dix-huit hommes ou douze hommes et un gardien de batterie.
Le premier niveau à usage de magasin, en sous-sol, voûté (à l’identique de la tour-modèle n°1), accessible par un escalier droit intérieur. Ce premier niveau est percé de deux soupiraux à embrasement intérieur par côté, ceux-ci peuvent servir de créneaux de tir pour flanquer le fossé sec. Il comporte quatre pièces, dont un magasin à poudre : « capable de contenir les poudres et les gargousses pour quatre cent coups de canon » et un magasin de vivres : « capable de contenir le biscuit, la farine, les légumes, le vin, la viande salée, l’huile, le tabac pour 20 hommes pendant dix jours ». L’une des quatre pièces est en partie occupée par l’emprise de l’escalier de communication intérieur. On peut éventuellement, disposer d’une citerne en dessous.
Au deuxième niveau, voûté également à l’épreuve des bombes, se trouve la porte d’entrée précédée d’un pont-levis basculant. Le pont-levis est équilibré par deux contrepoids à translation verticale reliés au tablier par des chaînes de manœuvre passant sur des poulies à gorge logées dans deux passages percés dans le linteau de la porte. En se relevant, il vient s’encastrer entre les deux pilastres, et constitue ainsi une protection extérieure de la porte proprement dite. Ce pont-levis est précédé d’un pont-dormant. Cet étage à pièce unique à voûte d’arête s’appuyant sur les murs extérieurs, et à l’intérieur sur un pilier central. Cette pièce sert de logement à la garnison et comporte deux cheminées encastrées dans les parois extérieures. Elle comporte vingt-huit créneaux de fusillade à axes divergents et ébrasement intérieur, disposés à raison de six par face, plus un dans chaque angle débouchant dans un pan coupé. Huit de ces créneaux ont un embrasement intérieur commun deux à deux, chaque fois que les dispositions intérieures (portes, cheminées) réduisent l’espace disponible. Sur le linteau de la porte, il est possible de trouver la date de construction.
La plateforme sommitale, au troisième niveau, est dallée à quatre pentes formant pointe de diamant et entourée d’un robuste parapet crénelé en surplomb sur les parois de la tour et repose sur des corbeaux en quart de rond. Ce parapet comporte une bretèche (dite « balcon à mâchicoulis ») au milieu de chaque face, portée par trois corbeaux à deux quarts de rond, pour le flanquement vertical et latéral. Il comporte quarante-huit créneaux de fusillade ainsi répartis : six créneaux à axe divergent dans chaque face (trois de chaque côté de la bretèche), un créneau dans chaque pan coupé d’angle, cinq créneaux par bretèche, à raison de trois dans le mur de face et un dans chaque paroi latérale. L’armement réglementaire consiste en un obusier ou une petite pièce positionnée sur sa plateforme. L’accès à cette plateforme est fermé par une trappe.
Cette tour ne comporte pas : de fossé sec, de contrescarpe, ni de chemin couvert.
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Les corps de garde défensif n° 4 et n°5 : sans terrasse, mais disposant d’une toiture, à deux niveaux, huit mètres cinquante de côté à la base.
Pour ces corps de garde, nous n’avons pas trouvé d’illustrations.
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D’autres tour-modèles :
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À ces cinq types de tour, s’ajoutent deux types de « redoutes-modèles », carrés bastionnés et casematés, respectivement de trente-trois et quarante-huit toises de côté extérieur, destinés à occuper certains points particulièrement importants. Ces ouvrages, ont été construits à un seul exemplaire de chaque type. Sortant du cadre de l’article, ils ne sont cités que pour mémoire.
La redoute-modèle n° 1 est construite sur l´île d´Aix. Il s’agit d’un fort carré bastionné en maçonnerie de quatre-vingt dix mètres de côté. En mai 1812, Napoléon décide de construire une tour-modèle n°1, en lieu et place du fort en bois de Montalembert, pour occuper le sommet de l’île d’Aix. Cette tour-modèle reçoit le nom de fort Liédot, en mémoire d’un colonel du Génie, brillant ingénieur, mort durant la campagne de Russie. Achevée en 1834, la tour-modèle n°1 s’est transformée en redoute-modèle n°1, un exemplaire unique en France.
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La redoute-modèle n° 2, le fort Napoléon est construit en rade de Toulon. Il s’agit d’un fort carré bastionné en maçonnerie de soixante-six mètres de côté.
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Brochure sur l’histoire du fort Napoléon.
Un programme inachevé
Le programme de construction des tours-modèles, étalé sur dix ans, est véritablement lancé en 1812. Mais, la chute de l’Empire, en 1815, et le retour de la paix mettent en sommeil à peu près tous les travaux de fortification et, en particulier ceux de la défense des côtes : le personnel est licencié, la plus grande partie du matériel ramené dans les arsenaux et les batteries laissées à peu près à l’abandon. Cette situation qui, pour les côtes, va durer plus d’un quart de siècle, s’explique évidement par l’épuisement d’un pays sortant de vingt ans de guerres quasiment continues et dont le bilan se grève d’énormes indemnités de guerre à verser aux coalisés. Les motifs de politique extérieure sont tout aussi évidents : l’Angleterre n’aurait pas admis le maintient en activité, par une France vaincue, d’ouvrages manifestement tournées contre elle.
Sur les cent soixante ouvrages modèles prévus (cent six sur la côte Atlantique et cinquante-quatre en Méditerranée), seules une centaine de tours seront achevées en 1814 : dix-huit tours n°1, vingt-sept n°2 et quarante-huit n°3. D’après Philippe Truttmann, sont encore intactes : quatre tours du type n°1, deux du type n°3 et une variante de la tour n°1, à Boyardville.
Les travaux de la « commission mixte d’armement des côtes » de 1841 va lancer la réorganisation complète des batteries et la modernisation de l’armement. De nouvelles tours vont apparaître : les réduits de types 1845 et 1846 et leurs variantes.
Conclusion
La « tour-modèle » inaugure le système de plans-types perfectionné à outrance par les Allemands pour la construction des blockhaus du Mur de l’Atlantique. Le plan-type permet de rationaliser l’armement des batteries en fonction de la situation géographique et des choix tactiques (la géostratégie), tout en contrôlant le coût et le délais de construction de l’ouvrage. La standardisation et la systématisation de la fortification et de l’artillerie permettent une meilleure défense.
D’autres tours restent sûrement à découvrir, alors lors de vos promenades sur les côtes, ouvrez l’œil et ayez un doigt sur le déclencheur de l’appareil photographique, et envoyez-nous vos clichés !
Nous espérons que cet article vous aura intéressé tout autant qu’il fut passionnant pour nous à écrire. En tout cas, Fortification et Mémoire est heureux de vous faire partager le fruit de ses recherches.
Sources
Bibliographique
- Napoléon et la défense des côtes. Chef d’escadron Julien Delaunay. 1890.
- Supplément au dictionnaire de l’artillerie. Hermann Cotty. 1832.
- Les derniers châteaux forts. Philippe Truttmann. 1993.
- Les forteresses de l’Empire. Philippe Prost. 1991.
- Les fortifications du littoral : la Charente-Maritime. Patrimoines-médias.1996.
Internet
- Wikipedia.org
- gallica.fr
- patrimoine.region-bretagne.fr
- museedesplansreliefs.culture.fr
- fortiff.be
- sudwall.superforum.fr