Les fours à boulets ou tirer à boulets rouges (2/2)

Four à boulets de la pointe du Roselier à Plérin (Côtes-d’Armor).

Dans cette deuxième partie, nous verrons les différentes expériences pour concevoir des fours à boulets, autres que le type Meusnier, puis nous nous intéresserons à la technique de tir aux boulets rouges et ferons un petit inventaire des fours à boulets encore visibles.

Quelques expériences

On estime le coût d’un four de type Meusnier, en francs d’époque, à 1 600 francs. Son prix élevé incite des constructeurs a proposer différentes variantes.

En 1779, une boîte métallique pour chauffer les boulets. Cette boîte métallique à couvercle, de petite dimension, est chauffée sur un gril activé par un soufflet. D’une contenance réduite (7 boulets de calibre 24), son temps de chauffage est trop long (1 heure 30 minutes à 2 heures). Son seul intérêt réside dans la possibilité de la déplacer à bras d’homme.

Boîte à rougir les boulets. Document André et Jacqueline Tiret.

En 1795, un four à réverbère réduit. Ce four plus court que le four type Meusnier (4,50 mètres) est très efficace par le chauffage des boulets sur un gril. La maçonnerie ordinaire contribue à le protéger des projectiles des agresseurs.

Un four à réverbère réduit. Document André et Jacqueline Tiret.

En 1809, un four mobile type Lavocat. Ce four, entièrement métallique, peut être déplacé par l’adjonction de deux essieux. Il n’est pas retenu par le Comité des fortifications en raison du fait que la chaleur produite par le foyer intérieur oxydera rapidement la tôlerie du four.

Four mobile type Lavocat. Document André et Jacqueline Tiret.

En 1810, un four hémisphérique. Le rendement du chauffage est excellent et égal à celui des fours Meusnier, mais limité à une fournée d’une vingtaine de boulets. La conception de la maçonnerie en pyramide protège ces fours des boulets ennemis.

Un four hémisphérique. Document André et Jacqueline Tiret.

En 1811, un mur-four. Le constructeur pense concevoir un moyen de chauffage économique. Le foyer est articulé autour d’un de ses montants pour le chargement du bois de chauffage. Mais le gril ouvert et l’absence de voûte de réverbération font que la température ne peut atteindre que quelques centaines de degrés. Ce four est un échec.

mur-boulet

Mur-four. Document André et Jacqueline Tiret.

En 1820, un four à réverbère amélioré. Ce four projeté pour chauffer simultanément un grand nombre de boulets sur son vaste gril est pénalisé par la forme descendante de sa sole et l’étranglement à son débouché dans la cheminée.

Four à réverbère amélioré. Document André et Jacqueline Tiret.

En 1820, des fours-maison (île de Batz). Ce type de four, semblable aux maisons locales, n’était guère repérable par des vaisseaux agresseurs.

Four-maison. Document André et Jacqueline Tiret.

Quasiment tous ne dépassèrent pas le stade de l’expérimentation.

En 1820, la seule avancée sur les fours à boulets consiste en la modification du four type Meusnier. Sa longueur a été réduite à 3,10 mètres (contre 5,40 mètres dans le four normal). Le foyer est placé dans l’alignement de la sole. Le gril, en barres de fer disposées au-dessus de la sole, autorise le chauffage des boulets sur toute leur surface. Pour parer à une attaque brusque, 2 heurtoirs permettent de placer entre eux, au-dessus du foyer, une dizaine de boulets qui sera chauffée en une vingtaine de minutes.

Four à boulets de type Meusnier modifié. Document André et Jacqueline Tiret.

Des essais sont réalisés en portant au rouge un boulet sur un foyer de forge avec du charbon activé par un soufflet. Il faut 20 minutes pour rougir un boulet pour une heure avec un four type Meusnier chauffé avec du bois de hêtre ou de chêne contre 1 heure et 15 minutes pour un four hémisphérique chauffé de même. Seul un four Meusnier, de longueur réduite, avec un gril en fer au lieu de coulisseaux (goulottes) en briques permet de chauffer un boulet en 30 minutes.

Le Comité central des fortifications préconise l’utilisation d’une forge à soufflet pour répondre aux attaques brusques et rapide et d’un four Meusnier pour d’éventuelles opérations d’envergure.

Technique du tir

Les boulets rougis sont saisis avec des pinces à oreilles pour être immédiatement introduits dans la gueule du canon à l’aide d’un refouloir préalablement bourré de poudre, d’étoupe humide, d’argile et de foin.

Planche présentant les différents outils servant à l’utilisation d’un four à boulets.

Pour tirer, le canon reçoit sa charge de poudre dans une gargousse. Celle-ci, afin d’éviter des accidents (déchirure laissant échapper de la poudre), n’est pas en papier, mais en demi-carton ou en parchemin. Il est même recommandé par sécurité, de placer deux gargousses l’une dans l’autre.

Puis, le canonnier ajoute un bouchon de foin sec, et un bouchon de foin trempé pendant 12 minutes à 15 minutes dans de l’eau, afin d’éviter éviter l’inflammation de la poudre. A l’aide d’une cuiller (ou bague), le boulet rouge est glissé dans le canon, un second bouchon de foin humide est placé sur le boulet. Dès que celui-ci entre en contact avec le foin humide, un sifflement se produit, indiquant au canonnier que c’est le moment de tirer.

Pour faciliter le chargement et éviter que le boulet ne roule à l’extérieur du tube, le canon est toujours pointé au dessus de l’horizon et la charge de poudre est diminuée. En chauffant le boulet, celui-ci se dilate, mais le vent du boulet [le diamètre d’un boulet est un peu plus petit que celui de l’âme de la pièce, afin d’y pouvoir entrer librement ; la petite différence qui existe entre ces deux diamètres s’appelle le vent du boulet] est suffisant pour ne pas gêner le tir.

À la suite d’essais effectués à Cherbourg, en 1785, les bouchons de foin peuvent être remplacés par des bouchons de terre glaise humide.

Les charges de poudre ne doivent pas être trop importantes (1/4 ou 1/3 du poids du boulet) car le boulet ne doit pas traverser les parois d’un navire, mais s’y loger (il faut un peu de temps pour que le bois s’enflamme). La chaleur du boulet accentue l’échauffement du canon et dans ses directives du 28 août 1798, lors de la campagne d’Égypte, Napoléon demande que les canons qui tirent à boulets rouges soient refroidis à chaque coup avec de l’eau, et avec du vinaigre tous les cinq coups, puis que tous les trois coups on tire un boulet à froid pour faire reposer la pièce.

Le recul du tir à boulets rouges est plus important que celui à boulets froids à cause des bouchons (c’est avec les bouchons de glaise que le recul est le plus grand). Cela a une incidence sur la profondeur des plateformes à aménager pour les pièces.

Concernant la défense des côtes, tous les artilleurs ne sont pas partisans du tir à boulets rouges car :

  • la construction et l’entretien des fours à rougir les boulets sont onéreux ;
  • il est difficile d’avoir des boulets rouges prêts à être tirer, lorsque l’ennemi surgit à l’improviste ;
  • l’emplacement des batteries est révélé par la fumée émise par le four ;
  • les canonniers considèrent ce procédé dangereux.

Dès 1802, le Comité de l’artillerie propose de remplacer les boulets rouges par des boulets creux. En effet, de nombreux artilleurs préfèrent les boulets incendiaires ou les obus, malgré leurs défauts (portée et précision moindres, ensabotage nécessaire pour les boulets incendiaires [l’ensabotage consiste à fixer le projectile à un sabot de son calibre. Pour les boulets (et les obus de 12) chaque extrémité de la bandelette est fixée par un clou dans la rainure du sabot. Les sabots d’obus de 6 et de 24 n’ayant pas de rainure, les bandelettes sont arrêtées par quatre clous sur le corps et quatre clous sur le fond du sabot]…).

Petit inventaire géographique des fours à boulets encore visibles

À partir de 1803, une nouvelle menace anglaise se précisant (troisième coalition), nombre de fours à boulets sont construits à l’intérieur des batteries de côtes. En sont pourvues, les batteries installées sur les côtes de Boulogne, de Dieppe, du Havre, de Cherbourg, de Saint-Malo (forts de La Conchée et de La Latte), de Brest, de Lorient, du Croisic, de Rochefort, de l’île de Batz, de Belle-Île. Sur la côte méditerranéenne, les fours sont établis de l’embouchure du Rhône jusqu’à la ville de Savonne, alors française.

Longtemps, les côtes françaises ont gardé une multitude de ces vestiges, essentiellement napoléoniens. La quasi totalité des fours à boulets à disparu, souvent dégradés par l’air marin, parfois pillés par les locaux pour la récupération des briques réfractaires, pierres d’angle et de chaînage, et finalement emportés par la vague d’urbanisation, (que les boulets rouges n’a pu stopper !). Toutefois, il en reste encore quelque uns. Les spécialistes en dénombrent neuf : cinq en Bretagne et quatre sur les îles de Lérins (baie de Cannes).

Des aménagements entourant ces fours : plateformes des batteries, fossés, escarpes et contrescarpes, merlons, talus, parapets, chemins de ronde…il ne reste souvent aucun vestiges.

En Bretagne : au Fort-La-Latte, à Erquy, à la tour Vauban (Camaret), à Plérin-sur-mer, à Saint-Quay-Portrieux.

Emplacement des fours à boulets en Bretagne.

Fort-La-Latte. Le fort dispose au plus près de sa batterie basse d’un four à boulets de type Meusnier. Il a la particularité de posséder un toit en ardoises peut-être pour assurer une meilleure étanchéité de la sole. La goulotte de sortie des boulets est coudée. À gauche de la gueule de chargement, on remarque la présence d’une cuvette de stockage de boulets froids. Sinon pour le reste, il est identique à ceux des îles Lérins, voir ci-après.

    Le four à boulet du fort de La Latte.L'arrière du four à boulets.Canon installé sur le chemin de rouage. Il s'agit d'un canon naval de calibre 18. Ce type de canon équipait le fort de La Latte au XVIIIe siècle. Un état des lieux de 1697 fait référence à 8 canons dont certains étaient de calibre supérieur.

Erquy (le Port-Blanc). Le four à boulets rouges situé au lieu-dit Port-Blanc ou Petit-Port, sur la côte nord est d’Erquy, est daté du XVIIIe siècle. Au printemps 1794, le commissaire chargé de la Marine et des Colonies, Jean Alabernade, décide de garnir plusieurs batteries côtières de la baie de Saint-Brieuc de fours à réverbère, capables de porter à incandescence les boulets pour incendier les bateaux ennemis. Sont donc construits vers 1795 pour défendre la rade d’Erquy, sept autres fourneaux à réverbères : à la pointe du Roselier (Plérin), au Fort-La-Latte, à Portrieux (Saint-Quay-Portrieux) et sur le fort de la Conchée, [le four à disparu lors du bombardement du fort en 1944] (Saint-Malo).

Le four à boulet d’Erquy. Collection André et Jacqueline Tiret.

Il a été restauré par la Société armoricaine de restauration en 1993, avec l’aide financière du Conseil général des Côtes-d’Armor. D’après le relevé exécuté par l’architecte Lestienne Brevet en mai 1951, en vue du classement du monument, il existait sur la sole, à hauteur de la grille du foyer latéral, un ressaut en fer qui stoppait les boulets dans les cannelures. Les flammes du foyer pénétraient à angle droit dans le four, portant les boulets au rouge, puis se répandaient sous la voûte du four, avant d’être aspirées à son sommet par une cheminée prévue pour l’évacuation des gaz et des fumées. Achevé à l’automne 1794, le four n’est pourtant d’aucune utilité lors du combat naval qui se déroule à ses pieds le 23 mai 1796 entre la corvette française l’Étourdie escortant un convoi de navires marchands et une division navale anglaise.

Le four à boulets d’Erquy. Cette face présente à gauche l’ouverture du cendrier, qui sert à évacuer les cendres du feu. À droite, on distingue les ouvertures du foyer et du tirage d’air, puis le trou de sortie des boulets rouges dans la gargoulette, creusée dans un socle de calvaire abattu pendant la Terreur.

Petit édifice, sous la forme d’un cube irrégulier de 4 mètres de façade sur 2 mètres de hauteur et 6 mètres de côté (la façade arrière étant plus élevée de 50 centimètres), constitué de matériaux variés : grès, conglomérat, brique. La couverture est en pierre, chaux et coquillages, formant un toit terrasse légèrement incliné vers l’avant. Les pierres de taille qui encadraient la gueule du four ont disparu. Quatre orifices sont présents sur la façade. L’orifice supérieur de droite : un regard aménagé pour permettre de surveiller l’opération et pour aider le passage du boulet rougi au seuil qui le retient devant la sortie. L’orifice inférieur de droite : trou de sortie du boulet rougi. L’orifice supérieur gauche : alimentation de la grille du foyer en combustible. L’orifice inférieur gauche : ventilation du foyer. Façade latérale gauche : cendrier au niveau du sol. Façade arrière : en surélévation, la gueule de chargement du four, sur un plan incliné, constitué de 3 cannelures. La goulotte de réception est un ancien fût de croix évidé. L’entrée des boulets était surmontée d’une cheminée. Sur le côté était aménagée une table pour poser les boulets. Des plaques métalliques fermaient toutes les ouvertures. Ce four plus court que le four du type Meunier (4,50 mètres), à réverbères, mais très semblable comme architecture, est très efficace pour le chauffage des boulets sur gril. La maçonnerie ordinaire contribue à le protéger des projectiles des agresseurs. Le four du type Meunier comporte un soubassement en maçonnerie, une sole inclinée en briques (ou en granite) à 3 ou 4 cannelures, 2 pieds droits et une voûte semi-circulaire en briques réfractaires qui assure le chauffage des boulets par réverbération ; un foyer est accolé au pied de la sole qui débouche, en partie haute, dans une cheminée (aujourd’hui disparue). Ce four permet de chauffer au rouge en continu des dizaines de boulets en une heure. La voûte du four est constituée de briques. La sole présente 3 cannelures larges permettant au boulet de rouler facilement. Elle est très inclinée vers l’avant.

Vue générale du four à boulets d'Erquy, façade et orifice sud. Photographie Guy Prigent. (c) Conseil général des Côtes-d'Armor.Vue des deux façades avec leurs orifices. Photographie Guy Prigent. (c) Conseil général des Côtes-d'Armor.Orifice inférieur : sortie du boulet rougi dans la goulotte de réception (ancien fût de croix sculpté, évidé) et regard de contrôle. Photographie Guy Prigent. (c) Conseil général des Côtes-d'Armor. Les trois canelures où roulent les boulets. Photographie Guy Prigent. (c) Conseil général des Côtes-d'Armor.      

Les trois batteries de canons que devait alimenter ce four ont disparu et ce petit édifice paraît désormais bien seul … et abandonné.

Le four à boulets d’Erquy, seul dans la lande.

La tour Vauban à Camaret. Construite par Vauban entre 1689 et 1696, elle est pourvue d’un four à boulets vers 1790, sur l’emplacement d’un ancien poste de guet. Plus court que les autres fours (5,10 mètres), il prend appui sur le mur de défense de la batterie. La sole comporte deux gouttières. Le foyer est placé en avant côté plateforme. La goulotte en granite de sortie des boulets rougis est coudée.

Le four à boulets de la tour Vauban à Camaret.

Sur cette vue de la tour Vauban, on remarque sur la gauche le four à boulets avec sa cheminée et sa gueule. photographie Fortification et Mémoire.

Plérin-sur-Mer. Le four à boulets de la Pointe du Roselier est daté de 1794. La Pointe du Roselier était équipée de deux canons de calibre 36 au début du XIXe siècle. Il a été restauré par la commune de Plérin-sur-Mer. Le four à boulets est construit en pierre de taille (granite) avec des joints réalisés au sable de mer. L’édifice, avec un plan en ‘L’, a une longueur totale de 5 mètres et une largeur de 3,80 mètres. Il mesure 2,20 mètres de hauteur. La goulotte, récepteur des boulets mesure 130 centimètres de longueur. La toiture présente un plan incliné vers l’arrière et supporte une couverture en moellons de schiste et de briques, liés par un ciment. La gueule de chargement des boulets à 3 cannelures mesure 67 centimètres de largeur. Le petit épaulement de terre en avant du four n’est autre que le vestige raboté de l’ancien parapet de protection de la batterie.

Le four à boulets de la pointe des Roseliers- Vue du four à boulets dans son environnement : remarquer le vestige de l’ancien parapet en terre au devant. Photographie Guy Prigent. (c) Conseil général des Côtes-d’Armor.

      Vue frontale du four a boulets.Vue de la goulotte de réception des boulets chauffés. Photographie Guy Prigent. Conseil général des Côtes-d'Armor.Vue de détail de la gueule de chargement des boulets et le plan incliné à trois rayures. Photographie Guy Prigent. (c) Conseil général des Côtes-d'Armor.Vue sur le toit terrasse du four.

Saint-Quay-Portrieux. Le four à boulets du Portrieux est construit à la Priauté en 1794. Sur l’espace de l’ancien bastion (aujourd’hui privé), à l’intérieur d’une villa dénommée « La Priauté », se trouvaient autrefois les canons d’une batterie, installée en 1755, un corps de garde, une guérite, un magasin à poudre et un four à boulets. Hormis le four, l’ensemble de ces ouvrages ont disparu. Les canons de cette batterie servent en 1795 lors d’une tentative anglaise de débarquement avorté sur la côte du Goëlo. Ils sont enlevés en 1838 lorsque le déclassement du Portrieux comme place forte est décrété. Jusqu’en 1940, deux de ces « bombardes » se trouvent encore au sémaphore, avant de partir dans les fonderies allemandes. Si la tourelle de vigie était encore debout à la fin du siècle dernier, elle a disparu lors des aménagements urbains. La batterie est remise aux Domaines en 1898 et vendue au sieur Danguy en 1892.

Plan de la batterie déclassée du Portrieux, 1892. Auteur(s) Prigent Guy (reproduction) Le Yaouanc. (c) Inventaire général, ADAGP(c) Conseil général des Côtes-d’Armor.

Le four à boulets du Portrieux est situé près du chemin de ronde de la Priauté, au-dessus du bureau du maître du port (ancien quai des Douanes). Il a la forme d’un parallélépipède massé, percé de nombreux orifices et conduits sur la façade, et un réceptacle en pierre pour les boulets. Sa construction, très soignée, est en pierre de taille (dalles de granite bleu) avec un toit terrasse. Le foyer à feu continu est incorporé au four, à l’abri du vent et fonctionne par réverbération rayonnante sous la voûte intérieure. Le four comprend un cendrier sous le foyer, accessible en façade. Ce foyer a une sole à 3 gouttières, une voûte en brique réfractaires de 11 centimètres et en façade une goulotte de réception des boulets rougis.

      Le four à boulets de Saint-Quay-Portrieux.Le four à boulets de Saint-Quay-Portrieux. Sur le toit du four, on distingue le fût d'un canon.La face de chargement du four à boulets de Saint-Quay-Portrieux.Une bouche à feu posée sur le toit du four à boulets.

En région Provence-Alpes-Côte d’Azur : quatre fours à boulets sont construits sur les îles de Lérins : deux sur l’île Sainte-Marguerite et deux sur l’île Saint-Honorat, pour les batteries des Républicains et des Braves Gens. Ces fours datent des premiers démêlés de Bonaparte avec les Anglais en 1793, ainsi dans la lettre n°12 de la Correspondance de Napoléon 1er  précise : « Je suis occupé à faire des fours à réverbère dans les positions les plus intéressantes » et la lettre n°14 de cette même Correspondance conclut : « C’est entre le 25 janvier et le 15 février 1794 que ces fours ont été terminés ». Napoléon, alors capitaine d’artillerie, connait l’existence de ces fours par sa formation à l’école militaire de Brienne-le-Château (Aube).

Emplacement des fours à boulets des îles de Lérins.

Île de Sainte-Marguerite. Deux fours sont construits, l’un à l’ouest, à la Pointe du Dragon et le second, à l’est, à la Pointe du Vengeur.

Île Sainte-Marguerite. Coupe transversale du four à boulets de la Pointe du Vengeur, au niveau du foyer. Collection André et Jacqueline Tiret.

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Four à boulets de la Pointe du Vengeur : la cheminée a disparu comme les pierres d’encadrement de la gueule du four. Les cannelures sont bien visibles. Photographie Christophe Finot.

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Le four à boulets, en partie ruiné, de la Pointe du Vengeur. Photographie JP Galichon.

Île de Saint-Honorat. Deux fours sont construits, l’un à l’ouest, la batterie des Braves Gens sur la Pointe du Barbier, et le second à l’est, la batterie de la République sur la Pointe Saint-Féréol.

Le four à réverbère de la batterie des Braves-Gens. Le four est bâti sur un soubassement rectangulaire de 1,76 mètre de largeur sur 5,85 mètres de longueur avec un retour d’un mètre par 1,63 mètre. Au-dessus de la partie rectangulaire du soubassement est établi le four à réverbère comprenant :

  • une sole en briques réfractaire de 84 centimètres de large et de 4,60 mètres de long inclinée à 25% ; les briques en V ouvert forment des 4 cannelures (gouttières) de 20,5 centimètres de large guidant les boulets pendant la chauffe ;
  • deux parois latérales en briques de 30 centimètres de hauteur ;
  • une voûte semi-circulaire en briques de 10 centimètres de hauteur ; celle-ci assure le chauffage des boulets par réverbération.

Île de Saint-Honorat. Plan schématique de la face avant du four de la batterie des Braves-Gens. Collection André et Jacqueline Tiret.

Les fumées sont évacuées par une cheminée en briques de 1,60 mètre de hauteur au-dessus de la sole et assurant le tirage du four.

Le four à boulets de la batterie des Braves Gens.

Sur le retour du soubassement est établi le foyer, chambre rectangulaire de 66 centimètres par 70 centimètres, couvert par une voûte. Toutes ses parois en contact avec le feu sont en briques réfractaires ; une lourde grille en fer était disposée au-dessus à mi-hauteur, la partie inférieure servant de cendrier. À la base, deux prises en opposition assure la nécessaire ventilation pour activer le tirage.

Toutes les parois en briques du four et du foyer, épaisses de 11 centimètres, sont insérées dans une maçonnerie de pierres de 35 centimètres d’épaisseur. Cette coque à pour but d’empêcher le four de se fissurer sous la chaleur et de le protéger (sommairement) des coups de l’ennemi.

Les ouvertures étaient closes par des volets métalliques (disparus).

Île de Saint-Honorat. Coupe longitudinale du four à boulets de la batterie des Braves-Gens. Collection André et Jacqueline Tiret.

Le four à boulets de la batterie de la République.

Ces quatre fours ont fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques, le

Conclusion

C’est en 1843, que la commission mixte d’armement des côtes de la Corse et des îles demande la suppression du tir à boulets rouges, car elle estime que les munitions des obusiers sont plus faciles d’emploi et plus efficaces. Les fusées de guerre incendiaires et les obus explosifs remplaceront avantageusement les boulets incendiaires.

Nous espérons que cet article vous aura intéressé tout autant qu’il fût passionnant pour nous à écrire. En tout cas, Fortification et Mémoire  est heureux de vous faire partager le fruit de ses recherches.

Sources :

Bibliographique

  • Correspondance de Napoléon 1er publiée par ordre de Napoléon III Tome quatrième – 1860 ;
  • Correspondance de Napoléon Ier publiée par ordre de Napoléon III  Tome premier – 1858 ;
  •  Mémoires pour servir à l’histoire de France sous le règne de Napoléon par les généraux  Gourgaud et Charles – Tristan Montholon Tome VI – 1830 ;
  • Aide-mémoire à l’usage des officiers d’artillerie de France par le général Gassendi Tome  II – 1809 ;
  • Traité théorique et pratique de la construction des batteries par J. Ravichio de Peretsdorf maréchal de camp honoraire et A.P.F. Nancy chef de bataillon d’artillerie et polytechnicien  – 1826 ;
  • Guerre d’Orient Siège de Sébastopol  Tome II Historique du service de l’artillerie – 1859 ;
  • Mémoire sur la défense des frontières maritimes de la France Imprimerie Nationale – 1848 ;
  • Les fours à rougir les boulets construits en France entre 1793 et 1820 par André et Jacqueline Tiret ;
  • Les fours à rougir les boulets construits des îles de Lérins et de Bretagne par André et Jacqueline Tiret – ARCHEAM. Cercle d’Histoire et d’Archéologie des Alpes maritimes, n°10 ;
  • Le four à boulets rouges par Stéphane Esclamanti – ARCHEAM. Cercle d’Histoire et d’Archéologie des Alpes maritimes, n° 9.

Internet

  • wikipédia.org ;
  • archeam.fr ;
  • basart.artillerie.asso.fr ;
  • gallica.fr.
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