
Casemate d’artillerie de Bettlach de construction Service Technique du Génie (Haut-Rhin, secteur défensif d’Altkirch). Façade avant de la casemate réduite pour deux canon de 75 millimètres modèle 1897-1933 dont l’essieu repose sur deux chaises support d’essieu, les roues étant démontées. A remarquer les visières particulières tracées en fonction de la hausse permise par le nouvel affût du canon de 75 millimètres modèle 1987-1933. © Julien Depret.
Dans ces troisième et quatrième parties, Fortification et Mémoire va s’intéresser à la dernière évolution de la casemate de Bourges : son intégration dans la ligne Maginot. Pour nous guider, nous avons ressorti de notre bibliothèque un article de monsieur Julien Dupret, paru dans Fortification & Patrimoine en 2001, intitulé : «Les casemates pour le canon de 75 de campagne sur la ligne Maginot».
Le flanquement des intervalles sur la Ligne Maginot
Chargée d’étudier, sur le terrain, les lieux d’implantation des fortifications, de dessiner les plans des fortifications à édifier, de suivre la réalisation des fortifications et de définir et faire étudier de nouveaux matériels devant équiper les fortifications, la Commission d’Organisation des Régions Fortifiées (C.O.R.F.) créée en 1927 est dissoute le 1er janvier 1936, et comme l’écrit Roger Bruge : « …ce qui signifie que la ligne Maginot première formule est terminée, mais aussi que l’époque de la fortification puissante est révolue.»
Le général Maurice Gamelin, le nouveau chef de l’armée française depuis 1935, explique ainsi cette décision : «…L’œuvre accomplie représentait déjà une dépense de près de 5 milliards. Il en faudrait autant, au minimum, pour la prolonger dans le Nord. […] D’où la résolution de nous contenter, en dehors des perfectionnements que j’indiquais plus haut : Montmédy, Maubeuge, Rohrbach de créer des parties du front non fortifié ″une ossature de champ de bataille″ en réalisant des obstacles antichars, des réseaux de fils de fer et un certain nombre de casemates légères ou de blockhaus assurant le système de feux de base de flanquement.»
La Section Technique du Génie (S.T.G.) prend alors la relève et développe des notices techniques à destination des commandants régionaux pour tout ce qui concerne les positions dites « de campagne ». Parmi elles, se trouvent les plans de casemates de flanquement pour canons de 75 millimètres modèle 1897-1933 (en 1933, un affût biflèche à grand champ de tir horizontal fut adopté, le canon prend la désignation de 75 millimètres modèle 1897-1933). L’emploi de pièces de campagne se justifie car ces positions d’intervalles sont destinées à être occupées par les troupes stationnées dans les secteurs correspondants et armées par leurs pièces de dotation.
Basée sur le principe de la casemate de Bourges et inspirée des travaux de la C.O.R.F., est définie l’organisation de la casemate réduite pour canons de 75 millimètres modèle 1897-1933. Elle se voit ensuite déclinée pour une seule pièce sous casemate réduite ou légère, puis pour deux pièces de 75 millimètres modèle 1897 sur affût de casemate.
La majorité de ces casemates sera réalisée (pour des raisons économiques) par la main-d’œuvre militaire (M.O.M.), sur des crédits annuels accordés aux régions militaires. Cette M.O.M. est composée du personnel des troupes de forteresse et des divisions de couverture. Après la mobilisation de 1939, la masse des effectifs permet de donner à l’opération un développement considérable.

Des soldats et des ouvriers construisant un ouvrage sur la ligne Maginot en Moselle durant la période 1939-1940. Collection ECPAD.
Les casemates de flanquement
- La casemate réduite pour deux canons de 75 millimètres modèle 1897-1933.
- La casemate réduite pour un canon de 75 millimètres modèle 1897-1933.
- La casemate pour deux canons de 75 millimètres modèle 1897-1933.
- La casemate légère pour un canon de 75 millimètres modèle 1897-1933 ou de 75 millimètres modèle 1897 sur affût de casemate.
- La casemate pour deux canons de 75 millimètres modèle 1897 sur affût de casemate.
La casemate réduite pour deux canons de 75 millimètres modèle 1897-1933

Plan type pour une casemate réduite pour deux canons de 75 millimètres modèle 1897 – 1933 de campagne. Plan Julien Depret.
Cette casemate possède un abri pour le matériel et les munitions. Elle ne comporte pas de locaux annexes, de ventilation et de groupe électrogène. En fonction de son défilement, elle est construite à un niveau de protection 2 ou 3.
Type de protection | 2 | 3 |
Jusqu’au calibre de | 240 | 300 |
Dalle | 2,00 mètres | 2,50 mètres |
Épaisseur murs exposés | 2,25 mètres | 2,75 mètres |
Façades non exposées | 1,00 mètre | 1 mètre à 1,30 mètre |
Radiers, planchers | 1,00 mètre à 1,25 mètre selon les cas |
Elle comporte un unique étage composé de deux chambres de tir pour pièces de 75 millimètres à flèches ouvrantes, une soute à munitions, deux soutes à détonateurs, un local technique initialement prévu pour un groupe électrogène, une chambre à deux lits pour officiers et le central téléphonique, des latrines et un hall de déchargement.
En l’absence d’électricité ou de groupe électrogène, l’éclairage est assuré par des lanternes à bougies ou des lampes à pétrole.
Le stockage des munitions peut être prévu dans une soute creusée dans le radier de la casemate pouvant être recouverte par un plancher en bois. Les fusées sont stockées dans deux locaux séparés. L’approvisionnement des munitions est assuré à la main. Le poids des projectiles est de 7 kilogrammes. Les munitions sont stockés au nombre de 500 par pièce (1 000 coups par casemate). Les fusées sont entreposées dans un petit local fermé. La portée maximale de ce canon est de 11 000 mètres, sa portée utile de 8 500 mètres.
Organisation des chambres de tir
Les pièces sont amenées sans démontage dans les chambres de tir. Les roues sont enlevées et les fusées d’essieu posées sur des chaises métalliques (ces chaises support d’essieu sont mises au point par le Parc Régional de Réparation et d’Entretien du Matériel (P.R.R.E.M.) de Belfort). Les bêches des flèches sont encastrées dans le béton du radier par l’intermédiaire de fourrures en bois. À la construction, deux trous sont aménagés dans le radier. À l’avant et à l’arrière de ces trous, des fers en « I » sont noyés dans le béton afin d’assurer une bonne répartition des pressions exercées par les bêches, soit pendant le recul soit pendant la nouvelle mise en batterie de la pièce.
Dans la chambre de tir, une fosse peut être creusée de sorte qu’elle soit disposée sous la culasse pour permettre un recul du tube plus long et autoriser un tir vertical jusqu’à 45 degrés.
La pièce est mise en place grâce à un rail aérien muni d’un palan de 1 500 kilogrammes installé dans l’axe des chambres de tir. Un réservoir de 100 litres d’eau est installé dans le vestibule de la chambre de tir pour le refroidissement des pièces.
Une des chambre de tirs peut contenir les huit couchettes rabattables superposées pour l’équipage.

Détails de l’installation pour matériel de 75 millimètres modèle 1897-1933 sous casemate. Plan Julien Depret.
L’accès ou les deux accès pour les pièces situées dans l’axe des chambres de tir permettent, après y avoir fait passer les pièces, d’y placer un mur de protection constitué de rails glissés dans des rainures ainsi qu’une porte métallique à deux vantaux. Dans l’interstice, on insère des sacs de terre. Le tout jusqu’à une grille de 80 centimètres de haut formant une imposte et assurant ainsi la ventilation de la chambre de tir.
Les embrasures
Chaque embrasure permet le tir en direction de 45 degrés et en site de 0 degré à + 40,5 degrés. Si la casemate doit assurer des tirs rapprochés contre des cibles mobiles, l’embrasure doit être modifiée en conséquence sans ne jamais dépasser – 5,4 degrés en site négatif.
Ce qui caractérise ces casemates est la dimension de l’embrasure dans la partie frontale. Pour le 75 millimètres, elle est de 1,70 mètre sur 0,95 mètre donnant 1,10 mètre sur 0,80 mètre dans l’intérieur de la chambre de tir. Elles peuvent être équiper ou non de trémies métalliques.
Les transmissions
La casemate est reliée au réseau téléphonique souterrain de la ligne Maginot. L’arrivée du câble se situe au niveau du radier du local téléphonique ou débouchent des fourreaux métalliques.
L’équipement téléphonique de la casemate est réalisé avec des matériels de campagne modèle 1932 (Téléphonie Militaire modèle 32).
Le local téléphonique contient (généralement) les équipements suivants :
- un central téléphonique à 4 ou 8 directions placé dans un carter en fonte muni d’un joint d’étanchéité ;
- un téléphone étanche (réseau d’alerte) ;
- un boitier de protection pour départs des lignes de campagne ;
- un boitier répartiteur type 2 à 28 circuits ;
- un boitier translateur simple.
Au sujet de ces casemates, monsieur Pierre Vanderputten, qui fut l’un des spécialistes français de l’histoire de la fortification contemporaine, écrit dans son livre « Histoire de la défense de la frontière du Nord » : « …on retrouvait là un nouveau témoignage de l’incompatibilité du matériel de campagne et du béton, déjà vue avec le canon de 25. Elle est due simplement au fait que les dimensions de l’embrasure sont liées aux possibilités de tir que l’on veut se donner. En direction, un champ de tir de 50 grades est généralement satisfaisant. En hauteur, on est tenté de vouloir utiliser le plus possible les possibilités des capacités de l’affût : par exemple, on a voulu atteindre 45 grades avec le 75 Mle 97/33. Les amplitudes de tir ayant été fixées, les dimensions d’exécution de l’embrasure bétonnée dépendent de la distance entre les deux axes de rotation de l’arme (pour le pointage en direction et en hauteur) et la face interne du mur où elle se découpe. Or, ces deux axes sont sensiblement dans le plan vertical de l’essieu. Le seul moyen de réduire l’embrasure est de rapprocher l’axe du mur. Il est évident que l’embrasure minimum d’une arme donnée pour un champ donné est obtenue quand les roues de son affût touchent le mur. On peut bien sûr démonter et poser les fusées de l’essieu sur 2 supports scellés au plus près du mur. Un tel oubli des enseignements de la grande guerre, un tel mépris des réalisations de la C.O.R.F. ne pouvaient faire que le désespoir des officiers du génie des chefferies de fortification, qui parlaient des «tatas» ou des «sarcophages préétablis de la fortification de campagne durable» qu’on leur faisaient construire depuis 1935. On parlera plus tard de camelote ! ».
Le cout de construction de la casemate est approximativement de 2 370 000 francs, coût standard de ce type de construction.

Plan de la casemate réduite pour deux canons de 75 millimètres modèle 1897-1933 de campagne avec une cloche G.F.M.. Plan Julien Depret.
Neuf casemates de ce type ont été recensées.
Dans le secteur fortifié des Vosges
- La casemate d’artillerie de Biesenberg dans le massif du Biesenberg sur la commune de Bitche (57230). Construite par la M.O.M., elle est prévue pour deux canons de 75 millimètres modèle 1933 sur bèches. Elle ne dispose pas de cuirassement spécifique. Elle permet de flanquer les casemates et inondations de la vallée de la Schwarzbach, et ceci avec sa jumelle du Langenberg à Windstein. Elle était servie par le 168e Régiment d’Artillerie de Position (R.A.P.).
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Dans le secteur fortifié d’Altkrich
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Face avant de la casemate de Breitenhaag. Désormais, les embrasures sont remplacées par des fenêtres, sans doute pour rendre la casemate habitable (?). Collection lignemaginot.com – Droits réservés.
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- La casemate d’artillerie de Radersdorf sur la commune de Raedersdorf (68480). Construction S.T.G.. La casemate a été intégralement remblayée, seule trace restante, une partie de la dalle supérieure.
La casemate réduite pour un canon de 75 millimètres modèle 1897-1933

Plans de casemates réduites pour une pièce de 75 millimètres modèle 1897-1933 de campagne. Plans Julien Deprey.
Elle possède les mêmes caractéristiques que la casemate réduite pour deux canons de 75 millimètres modèle 1897-1933, hormis le nombre de pièces. La casemate de la Laiterie (secteur fortifié de Montmédy) est, quant à elle, dotée d’une cloche guetteur fusil mitrailleur de type B (G.F.M.B). Elle est la seule dans cette configuration.
Neuf casemates de ce type ont été recensées.
Dans le secteur fortifié des Vosges
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Dans le secteur fortifié des Ardennes
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Dans le secteur fortifié de Montmédy
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A suivre…