La casemate de Bourges ou le flanquement des intervalles (2/4)

    Peinture d’André Brauch représentant le fort de Vaux à l’été 1916. Il est encore possible de discerner sa structure, ce ne sera bientôt plus le cas. A droite, la casemate de Bourges du nord-est.

Dans cette deuxième partie, nous continuons l’étude de la casemate de Bourges avec la composition (théorique) de son équipage et son armement, d’abord le canon de 95 millimètres de côte puis, le canon de 75 millimètres à tir rapide sur un affût adapté à la casemate. Puis, nous terminerons cette partie avec des casemates de Bourges particulières : celles d’un fort emblématique, le fort de Vaux, celle de l’ouvrage de Froideterre et celles exotiques de la baie de Diégo-Suarez à Madagascar.

Son équipage (théorique)

Le fonctionnement de cette casemate nécessite quinze hommes, commandés par un adjudant ou un officier subalterne, chef de casemate, qui, pendant le tir, se tient dans l’observatoire.

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Reconstitution d’une scène représentant des artilleurs dans la casemate de Bourges ouest du fort D’Uxegney. Photographie prise en 2005 lors du 13e forum international de la fortification.

Ceux-ci se répartissent comme suit :

  • à l’étage supérieur et pour chacune des pièces :
    • un chef de pièce (maréchal des logis) ;
    • un pointeur pointant la pièce en direction et donnant l’angle de site ;
    • un tireur donnant la hausse, ouvrant et fermant la culasse et mettant le feu à la pièce ;
    • un chargeur introduisant les cartouches dans la chambre ;
    • un pourvoyeur approvisionnant le débouchoir en cartouches ;
    • un déboucheur débouchant les évents et passant les cartouches au chargeur.
  • à l’étage inférieur, l’équipe d’approvisionnement :
    • un brigadier, chef d’équipe ;
    • deux auxiliaires.

Un déboucheur exposé au Mémorial de Verdun. Le déboucheur sert à déboucher les fusées à double effet. Photographie Fortification et Mémoire.

Les munitions employées par le canon de 75 millimètres modèle 1897, sont de type encartouché, c’est-à-dire que l’obus est serti sur une douille en laiton, qui contient la charge propulsive, permettant le chargement rapide du coup, mais qui assure, par son culot, aussi la parfaite étanchéité du canon lors du tir.

Le débouchoir permet d’effectuer le réglage des fusées fusantes ou à double effet de 22/31 modèle 1897. Il détermine le délai de fonctionnement de la fusée sur la trajectoire après le départ du coup. La fusée fusante comporte dans sa tête une « mèche » de poudre en colimaçon. La combustion de la mèche permet s’assurer le retard de fonctionnement de la fusée. Le sectionnement de cette mèche à une longueur déterminée permet de régler précisément la durée du retard. On trouve trois débouchoirs par casemate : deux en service près des pièces et un de rechange.

Ici, l’on vous explique le fonctionnement du débouchoir.  

Son armement

L’armement est placé dans les deux chambres de tirs, décalées l’une de l’autre. L’espace réservé pour le service des pièces mesure 3 mètres sur 3 mètres, avec une hauteur de 2 mètres sous plafond. L’affût est logé dans un évidement du mur de genouillère dont la profondeur est telle que la tranche de la bouche reste toujours en dehors de l’embrasure, même après le recul dont l’amplitude est de 0,20 mètre ; cette précaution est indispensable pour éviter les rentrées de fumée au départ du coup. Elles sont protégées par un mur de 2,50 mètres (en béton armé pour le mur de masque et en béton spécial pour le reste) et une dalle de ciel de 1,75 mètre d’épaisseur de béton armé. Les tirs sont réglés depuis l’observatoire de la casemate par le chef de la casemate. Les deux pièces peuvent tirer sur un champ de tir horizontal de 48 degrés et sur un angle vertical de -10 degrés à +15 degrés. Les pièces sont ravitaillées par 96 obus stockés dans deux armoires. Le reste des munitions est stocké à l’étage inférieur dans un magasin pouvant contenir jusqu’à 1 000 obus. Ils sont montés à bras d’homme par une niche reliant les deux étages. Initialement leur armement devait être composé de deux canons de 95 millimètres sur affût de côte. Mais, une note du 18 octobre 1902 impose le canon de 75 millimètres modèle 1897 sur un affût spécialement étudié pour ces casemates.

Le canon de 95 millimètres modèle 1888 monté sur affût de côte

La casemate de Bourges de droite du fort d’Haudainville (Verdun). Une des chambre de tir avec : l’embrasure particulière du canon de 95 millimètres, le socle de l’affût type crinoline et le crochet de manutention. A remarquer à droite l’inscription : « observatoire de droite ». © Mémoire & Fortifications – Olivier Le Tinnier.

Dans un premier temps, la casemate de Bourges est armée par le canon de 95 millimètres modèle 1888 sur affût de côte à châssis circulaire modèle 1904 (note du 8 mars 1902, relative à l’installation du canon de 95 millimètres sur affût de côte dans les casemates de flanquement de la ligne de défense). Ce canon est reconnaissable au bourrelet tulipe rapporté à la bouche pour l’équilibrer autour de ses tourillons et à son masque fretté sur le corps du canon pour masquer l’ouverture centrale du bouclier de l’affût (voir dessin ci-dessous). Son affût possède deux freins hydrauliques récupérateurs disposés de chaque côté du tube et inclinés à 45 degrés agissant sur une frette porte-tourillons, le tube coulissant dans une lunette.

 

Le canon de 95 millimètres modèle 1888 sur affût de côte à châssis circulaire modèle 1904. A remarquer la culasse à vis.Le canon de 95 millimètres modèle 1888 sur affût de côte à châssis circulaire modèle 1904.La batterie de circonstance (1940) de Béniguet, sur l'ïle d'Houat, avec ses canons de 95 millimètres sur affût de côte.

Le canon Lahitolle de 95 millimètres modèle 1875 est le premier canon en acier français. Son concepteur Henri Périer de Lahitolle était lieutenant-colonel dans l’artillerie. Il s’agit d’un des premiers canons munis d’une culasse à vis. Il est adopté par l’armée française en 1875 en remplacement du canon Reffye de 85 millimètres. Une version améliorée est produite, le modèle 1888. Le canon Lahitolle sera lui-même remplacé par le canon de Bange de 90 millimètres en 1877.

La culasse du canon de 95 millimètres. Collection BNF.

La portée de ce canon est de 8 200 mètres, sa cadence de tir se situe entre 1 et 6 coups par minute et la pièce. Son affût pèsent 2 886 kilogrammes. Son champ de tir est de 45 degrés.

Le canon est installé sur une plateforme de tir constituée d’un monolithe en béton dans lequel sont emprisonnées les tiges filetées destinées à ancrer le canon au sol. La partie supérieure du massif est recouverte d’une fiche couche de ciment sur laquelle le socle doit reposer bien à plat. Afin de permettre la visée avec la hausse de côte qui équipe la pièce, et à cause de sa forte saillie sur la gauche, il a été pratiqué dans la joue gauche de l’embrasure une échancrure afin de dégager les lignes de visée. Cette particularité occasionne une dissymétrie entre les casemates selon leur implantation sur le flanc droit ou sur le flanc gauche de l’ouvrage.

   

Pour pouvoir procéder à la mise en poste ou à la dépose des pièces, une voie de 60 (0,60 mètre) est installée dans l’axe de la casemate avancée. Elle aboutit au ressaut du terre plein. Des plaques tournantes sont placées sur la voie en face de l’entrée de la casemate en retraite, avec prolongation de la voie jusqu’à l’escalier.

Représentation de la voie de 60 dans une casemate armée des deux canons de 95 millimètres.

Hormis les casemates de montagne dans les places fortes des Alpes (la batterie de Vulmis à Bourg-Saint-Maurice, l’ouvrage du Janus à Briançon et la batterie du Clos-des-Caurres à Tournoux), seules les deux casemates du fort d’Haudainville (place forte de Verdun) seront armées et conserveront leurs canons de 95 millimètres. Étonnamment, des pièces vont servir en 1940 pour équiper quelques batteries dites de circonstance sur les côtes et d’autres intègrent le Mur de l’Atlantique.

Des informations complémentaires sur le canon de 95 millimètres : ici.

Le canon de 75 millimètres modèle 1897 sous casemate

Le superbe canon de 75 millimètres et son affût particulier installés dans la casemate de Bourges ouest du fort de Uxegney (Vosges). canonspgmww1guns.canalblog.com

Le canon de 75 millimètres sous casemate est identique au modèle de campagne (modèle 1897). Concernant, l’affût, il s’agit de l’affût de campagne qui a été modifié de la façon suivante : les roues sont enlevées ; l’affût est soutenu à l’avant par deux supports verticaux montés sur des galets qui roulent sur un rail circulaire (les deux circulaires sont reliées par trois longrines) ; la circulaire postérieure forme une crémaillère pour permettre le déplacement latéral de l’affût ; une graduation en décigrades tracée sur une plaque en maillechort (alliage de cuivre, nickel et zinc d’aspect argenté) fixée sur la circulaire antérieure permet d’effectuer le pointage en direction ; la crosse est terminée par une botte (coussin) renfermant un galet munie de dents engrenant avec une circulaire postérieure ; l’affût est relié par un certain nombre de tirants à un pivot antérieur, centre des circulaires ; les organes de pointage en direction de l’affût modèle 1897 sont remplacés par un volant et un arbre de transmission commandant la rotation du galet à dents du coussin.

Le canon de 75 millimètres et son affût de casemate. In règlement de manœuvre de l’artillerie à pied. Service des canons sous tourelle et casemate et des mitrailleuses sous tourelle – 1911. Collection Gallica.

Cet affût n’est plus mobile et fonctionne par pivotement pour le pointage en direction. L’espace strictement nécessaire à la manœuvre de la pièce est de 3 mètres sur 3,50 mètres occasionnant un champ de tir en direction de 54 degrés, celui en site de -5 degrés à +15 degrés. La cadence de tir se situe entre 12 coups par minute et 20 coups par minute, soit 24 coups par minute ou 40 coups par minute pour la casemate. La portée de la pièce s’étage entre 5 500 mètres et 11 000 mètres pour une portée pratique de 3 000 mètres. Près de chaque canon, se trouve : un écouvillon (brosse cylindrique à manche pour nettoyer le canon), un refouloir (tige munie d’une tête cylindrique qui sert soit à refouler le projectile hors du canon, soit à l’assurer dans sa position de chargement). Sur les pièces sont placés les couvre-bouches, les couvre-culasses et les supports de pointage. 

La hausse et le berceau de pointage du canon de 75 millimètres. In règlement de manœuvre de l'artillerie à pied. Service des canons sous tourelle et casemate et des mitrailleuses sous tourelle - 1911. Collection Gallica.La culasse et l'extracteur du canon de 75 millimètres. In règlement de manœuvre de l'artillerie à pied. Service des canons sous tourelle et casemate et des mitrailleuses sous tourelle - 1911. Collection Gallica. La vis de culasse du canon de 75 millimètres. In règlement de manœuvre de l'artillerie à pied. Service des canons sous tourelle et casemate et des mitrailleuses sous tourelle - 1911. Collection Gallica. Le mécanisme de sûreté et de mise à feu du canon de 75 millimètres. In règlement de manœuvre de l'artillerie à pied. Service des canons sous tourelle et casemate et des mitrailleuses sous tourelle - 1911. Collection Gallica.  

Un canon de 75 millimètres sur son affût de casemate en position devant l’entrée ouest de la citadelle souterraine de Verdun. A remarquer le système de pivot de l’affût de casemate.

Cette adaptation du châssis à la casemate a pour but de donner au canon de 75 millimètres la capacité de déplacer les points d’éclatement des obus aussi vite en azimut qu’en site pour permettre un « coup de faux » De plus, lors d’emploi d’obus ad hoc, de 5 800 balles en plomb durci et éclats d’acier labourent le terrain, ce qui correspond au tir de 20 obus en une minute .

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Deux canons de 75 millimètres sur affûts de casemate montant la garde devant l’entrée du Mémorial de Verdun en 2012. La plaquette, en trois langues, mentionne :  » Canons de 75 mm en service dans les casemates de Bourges de la fortification de Verdun – Patrimoine du 151éme Régiment d’Infanterie mis en dépôt par la place de Verdun ». Photographie Fortification et Mémoire.

L’inventaire des 46 casemates de Bourges (dont 23 dans la place forte de Verdun) : ici.

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Un « 75 de casemate » au fort d’Uxegney. Cliché Benoît Rolle.

Les casemates de Bourges d’un fort emblématique, le fort de Vaux

Dessin d’une des casemates de Bourges du fort de Vaux in the fortifications in Verdun 1874 – 1917.

Le fort de Vaux comporte deux casemates de Bourges. Leur rôle est d’en assurer la couverture du côté sud-ouest vers : le fort de Douaumont (distant de 3 200 mètres), la partie ouest du bois d’Hardaumont, le ravin de la Fausse Côte, le bois de la Caillette et le ravin du Bazil ; et du côté nord-est vers le fort de Moulainville (3 800 mètres).

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Ce plan du fort de Vaux présent dans une salle ouverte à la visite permet de situer les casemates de Bourges et leurs accès. Photographie Fortification et Mémoire.

De la casemate du sud-ouest part le passage souterrain conduisant au coffre simple. Celle du nord-est, par une gaine souterraine débouchant dans la galerie conduisant au coffre simple du nord-est.

Casemate de Bourges du fort de Vaux, tube de la pièce de 75 milimètres dépassant de son ouverture. Photographie Fortification et Mémoire.

Casemate de Bourges du fort de Vaux, tube de la pièce de 75 millimètres dépassant de son ouverture. Photographie Fortification et Mémoire.

Le décret du 5 août 1915 précise que « les gouverneurs des places fortes et les Commandants des régions fortifiées, situées dans la zone des armées, sont sous les ordres du Commandant en chef » qui « dispose, sans restrictions, de toute la garnison des places fortes sous ses ordres et de toutes les ressources de guerre ou de bouche qui se trouvent soit dans la place, soit dans ses zones de réquisition. » Ainsi, le  «régime d’exception » attribué jusque là aux garnisons et aux ressources des places fortes est supprimé sans qu’il soit touché à la législation spéciale régissant ces dernières. Ainsi, jusqu’au 5 août, en matière de gestion de ses hommes, de son matériel et de ses vivres, chaque gouverneur de place n’a de compte à rendre qu’au ministre de la guerre. Après le 5 août, en matière de gestion de ses hommes, de son matériel et de ses vivres, chaque gouverneur de place passe sous les ordres directs du commandant en charge de la zone des opérations dans laquelle est située la place. Ce dernier peut donc lui prélever hommes, matériels et vivres, à volonté. Si bien que sur un désarmement ordonné le 12 août 1915 par le général Dubail (commandant le groupe d’armée de l’Est), conformément au décret, il est retiré de Verdun au 15 octobre 1915, 43 batteries lourdes avec 128 000 obus et 11 batteries à pied.

Ainsi, les casemates du fort de Vaux sont désarmées. Et, lors du déclenchement de la bataille de Verdun, le fort de Vaux, comme d’autres, est privé de ses canons. D’ailleurs, voici ce que rapporte le colonel Raynal dans son livre « le drame du fort de Vaux : journal du Commandant Raynal » paru en 1919 : « Aujourd’hui 1er juin [1916], les Allemands mettent la main sur la Caillette, et ils vont prendre Damloup. Je peux parler de la Caillette, comme si j’avais été au milieu des nôtres : lorgnette en main, j’ai pu, de mon créneau, suivre toute l’affaire, subissant le supplice d’assister, condamné à l’effroyable pilonnage sous lequel nos camarades ont succombé. C’est en vain que les malheureux ont multiplié les fusées d’appel ; personne n’a pu leur répondre, je n’ai moi-même pour leur venir en aide que les mitrailleuses de la casemate de Bourges de gauche. Ah ! si j’avais eu des 75 ! Je garde la conviction que l’ennemi aurait été écrasé par notre barrage et que la 6e division d’infanterie aurait été sauvée. En effet, dans la casemate de Bourges, tout est préparé pour le tir du 75. Sur un tableau affiché au mur se trouvent inscrits tous les éléments du tir : hausse, débouchage des évents, etc. ; de telle sorte qu’un objectif qui se présente dans un endroit quelconque du champ de tir peut être instantanément battu. Tout est calculé pour que l’arme donne son maximum d’efficacité, et cette arme terrible a été arrachée de nos mains…» Tout est dit !

Le 25 février 1916, le général Pétain prend le commandement du secteur et ordonne le réarmement des forts. Mais il est alors impossible d’acheminer des canons de 75 millimètres sur le fort. On y installe, à défaut, des mitrailleuses. Les canons retrouvent leurs emplacements à partir de novembre 1916.

 Lors de son inspection du fort le 24 mai 1916, lors de sa prise de commandant, le capitaine Raynal remarque que : « Les plafonds de la casemate de Bourges, à gauche, s’infléchissent d’une façon inquiétante. Dans la gaine qui conduit à la casemate de Bourges, de droite, des parties de la chape se sont écroulées. » 

Casemate de Bourges de droite. A remarquer : la large visière de l'observatoire, la présence des volets d'embrasure, la face avant laissant apparaître le treillage metallique et le mur d'aile complétement arrasé.La casemate de Bourges de gauche, comme celle de droite, tres abimée suite aux combats de la bataille de Verdun.Un canon de 75 millimètres dans une casemate de Bourges au fort de Vaux.Un canon de 75 millimètres dans une casemate de Bourges au fort de Vaux.      

Sérieusement endommagées lors du bombardement du fort durant la bataille de Verdun, elles sont réparées dans les années 1930, le fort étant intégré dans les arrières de la Ligne Maginot. Ce sont ces réparations « tardives » qui expliquent le bel enduit des façades contrastant avec le reste du fort.

   

La casemate de gauche (sud-ouest) est en partie visitable (seules les chambres de tir sont accessibles), celle de droite (sud-est) est fermée parce qu’elle comporte dans un passage, un profond puits menant aux galeries des travaux de « 17 ». Chacune des casemates contient deux canons de 75 millimètres avec leur affut de casemate. Certaines embrasures disposent encore de leurs volets.

 Les canons de 75 millimètres de la casemate de Bourges de droite (non visitable) : ici.  

Un des canons de 75 millimètres de la casemate de Bourges est du fort de Vaux. Photographie Fortification et Mémoire.

La casemate de Bourges de l’ouvrage de Froideterre (Verdun)

Plan de l'ouvrage de Froideterre, la casemate de Bourges est à gauche de l'ouvrage. Commandant Tournoux, cours de fortification : la fortification permanente pendant la guerre de 1914-1918, École d'application du génie, 1927. Gallica.

Plan de l’ouvrage de Froideterre, la casemate de Bourges est à gauche de l’ouvrage. Commandant Tournoux, cours de fortification : la fortification permanente pendant la guerre de 1914-1918, École d’application du génie, 1927. Gallica.

L’ouvrage de Froideterre est un petit ouvrage d’infanterie à la limite entre les communes de Fleury-devant-Douaumont et de Bras-sur-Meuse, au nord de Verdun. Construit en 1887-1888 à l’extrémité sud-ouest de la côte de Froideterre, puis modernisé en 1902-1905, l’ouvrage était un des éléments de la place fortifiée de Verdun. Il servit de môle de résistance en 1916 pendant la bataille de Verdun, est abondamment bombardé mais reste aux mains de sa garnison française. Il comporte une casemate de Bourges pour deux canons de 75 millimètres sur affût de casemate.

À sa construction, l’ouvrage ne dispose pas de casemate de Bourges. En 1901-1905, construction d’une casemate de Bourges pour deux pièces de 75 millimètres flanquant le fort de Vacherauville. Fin 1917-1918, une casemate pour mitrailleuses à cinq créneaux de tir (une au-dessus de l’accès, une dans l’axe des canons de 75 millimètres et trois en direction du sud) est construite à la place de l’observatoire bétonné de la casemate de Bourges.

Plan schématique de l'ouvrage de Froideterre.

Plan schématique de l’ouvrage de Froideterre.

La casemate de Bourges est, au début, un élément isolé de l’ouvrage sans communication protégée avec les autres éléments. En 1916, on creuse une galerie souterraine reliant les ouvrages (caserne, tourelle de 75, tourelle de mitrailleuses de droite et casemate de Bourges). Dans la casemate, l’accès aux travaux de 17 se fait par son étage inférieur.

Les casemates de Bourges de la baie de Diégo-Suarez (Madagascar)

Étonnement, il est un endroit, peut-être unique au monde, où se concentre un nombre important de casemates de Bourges. Cet endroit se trouve à 8 380 kilomètres d’où j’écris cet article : Madagascar. Plus exactement à l’extrême nord de l’île, dans la baie de Diégo-Suarez, l’une des plus étendue du monde. Les fortifications entourant la baie étant extrêmement nombreuses, nous n’évoqueront que les casemates de Bourges.

La baie de Diégo-Suarez. Collection Gallica.

Sous influence française depuis 1883, Madagascar devient colonie à part entière par décret du 6 août 1896. Dès 1891, des travaux de défense sont entrepris à Diégo-Suarez, dont la IIIe République, par décrets du 4 octobre 1898 et du 1er avril 1899, décide d’en faire un « point d’appui de la Flotte ». C’est-à-dire un port doté de toutes les infrastructures nécessaires à une flotte opérant loin de ses bases métropolitaines : arsenal, bassin de radoub, ravitaillement en combustible, munitions, vivres, eau.. Ces infrastructures doivent être défendues par un ensemble de défenses côtière et terrestre. Les travaux de fortification ne démarrent réellement qu’après le vote, le 20 juillet 1900, de la loi Gautret sur la défense des colonies. Édifiées sous l’impulsion énergique du colonel Joffre, entre 1900 et 1904, sur la base du programme du 17 février 1900, elles sont modifiées au gré des évolutions politiques.

C’est la baie de Diégo-Suarez qui va recevoir un grand nombre de casemates de Bourges, toutes armées du canon de 95 millimètres modèle 1888 sur affût G de côte.

Le canon de 95 millimètres modèle 1888 sur affût de côte à châssis circulaire modèle 1904.

Front de terre de cap Diégo

Une vue 3D des fortifications du secteur Cap Diégo. Le front de terre comprend les forts A-B-C.

Position avancée
Cette position, organisée à l’extrémité ouest du plateau d’Andrakaka, est naturellement très forte. Elle bat en effet à bonne distance l’isthme d’Andrakaka et possède un excellent champ de tir, de bons emplacements pour disposer de l’artillerie de campagne, tout en n’étant pas très étendue. Elle constitue en quelque sorte la défense en arrière de la position de l’isthme d’Andrakaka.

Position principale
La position principale barre toute la largeur de la partie est du plateau d’Andraka. Trois ouvrages fortifiés à profil triangulaire type Séré de Rivières en occupent les points culminants :

  • le fort des Mapous (ouvrage A), au sud, non loin de la pointe du même nom, domine tout le plateau. Il flanque la droite de l’intervalle A-B avec ses deux canons de 95 modèle 1888 sur affût C modèle 1904 sous casemate de Bourges, mais peut également disposer de l’artillerie de campagne pour appuyer la batterie des Caïmans et la ligne Joffre qu’il protège d’un tir à revers en enfilade. Cet emplacement stratégique en fait un point d’attaque tout désigné pour l’ennemi. Deux mitrailleuses Hotckhiss complètent l’armement, en assurant la continuité des feux d’infanterie ;
  • le fort du Centre (ouvrage B) flanque les intervalles A-B et B-C au moyen de deux casemates de Bourges abritant chacune deux canons de 95 millimètres modèle 1888 sur affût C modèle 1904. Deux mitrailleuses Hotckhiss complètent l’armement, en assurant la continuité des feux d’infanterie. La casemate est aujourd’hui murée ;
  • le fort du cap Bivouac (ouvrage C), au nord, flanque l’intervalle B-C avec ses deux canons de 95 millimètres modèle 1888 sur affût C modèle 1904 sous casemate de Bourges, et d’un abri bétonné. Deux mitrailleuses Hotckhiss complètent l’armement, en assurant la continuité des feux d’infanterie. L’ouvrage est défendu par un fossé sec, avec une contrescarpe maçonnée, entourée d’une grille défensive. Il est actuellement en terrain libre, bien dégagé de la végétation. La grille défensive a disparu…

Front de terre d’Ankorika

fortification cap diego

Représentation 3D du front de terre d’Ankorika (secteur d’Orangea). Il comprend les forts D et E.

Position avancée
Elle est située à environ deux kilomètres de la position principale. Elle utilise une série de points d’appui naturels constitués de boqueteaux et de légères ondulations de terrain. Elle s’appuie à gauche à la mer, à droite à la Montagne des Français. Les deux canons de montagne affectés à l’ouvrage d’Anosiravo auraient en cas d’attaque étés transportés à bras par la garnison sur un emplacement de batterie situé sur une position inaccessible pour l’ennemi et d’où les vues s’étendent au loin sur la vallée du Manantanana. Hormis l’ouvrage d’Anosiravo, il n’en reste quasiment plus de traces.

Position principale
Cette position comprend (pour ce qui nous intéresse), aux ailes et placés sur les deux points saillants de la ligne, le sommet sud des hauteurs d’Ankorika (un ancien cratère volcanique) et le Mamelon Vert, qui domine la baie des Sakalava  :

  • le fort d’Ankorika (ouvrage D)  comprenant deux canons de 95 millimètres modèle 1888 sur affût G modèle 1904 dans une casemate de Bourges flanquant à gauche, plus deux mitrailleuses Hotckhiss complétant l’armement, en assurant la continuité des feux d’infanterie ;
  • fort du Mamelon Vert (ouvrage E), comprenant deux canons de 95 millimètres modèle 1888 sur affût G modèle 1904 dans une casemate de Bourges flanquant à droite, plus deux mitrailleuses Hotckhiss complétant l’armement, en assurant la continuité des feux d’infanterie.

L’intérieur de la casemate de Bourges du fort du Mamelon Vert. A remarquer l’embrasure particulière pour le canon de 95 millimètres. © Philippe Zenone.

 Front de terre d’Anstiranana ou « la ligne Joffre »

Représentation 3D du front de terre d’Anstiranana. Il comprend les forts G et H.

Position avancée
Cette position aurait du être organisée au moment du besoin. Elle est située en avant de la ligne principale, à une distance variant entre 1 300 mètres et 1 800 mètres. Elle barre toute la largeur de la presqu’île d’Antsiranana et a une bonne visibilité sur le terrain en avant.

Position principale
En vue de réduire le périmètre à défendre, elle est maintenue dans la presqu’île même d’Antsiranana. Il n’est d’ailleurs pas possible de la pousser jusqu’au plateau des Caïmans, car elle aurait été coupée en deux par le ravin des Caïmans et placée sous le feu des hauteurs de Mahatsinjoarivo. Le point d’appui de l’aile gauche est un peu en saillant par suite de la nécessité de refuser l’aile droite parallèlement au plateau des Caïmans. La droite de la position a quant à elle été très bien flanquée par la batterie de 120 de Cap Diego positionnée au fort des Mapous . Deux ouvrages fortifiés type Séré de Rivières occupent les extrémités de ce front, appuyés par une batterie de 155 Long.

  • Le fort de la Betahitra (ouvrage G). Comme pour les autres ouvrages de ce type pour les secteurs de Cap Diego et d’Antsiranana, l’ouvrage est à profil triangulaire ; l’obstacle est constitué d’une contrescarpe maçonnée coté front et d’une grille défensive coté gorge. Il assure le flanquement à gauche de l’intervalle G-H au moyen de deux canons de 95 millimètres modèle 1888 sur affût C modèle 1904 sous casemate de Bourges. Deux mitrailleuses Hotckhiss complétant l’armement, en assurant la continuité des feux d’infanterie. Cette casemate n’est pas complètement défilée aux vues du plateau des Caïmans situé à 3 600 mètres, de sorte qu’une batterie placée sur ce plateau aurait pu en entreprendre la destruction ; mais cette batterie aurait été contrebattue par la batterie de 155 Long placée en arrière du fort d’Anamakia, et par celle de 120 placée à la pointe des Mapous, qui prend le plateau des Caïmans en enfilade. L’ouvrage G a des vues assez limitées sur son front et sur ses flancs ; il ne bat pas les pentes qui descendent du plateau d’Antsiranana vers la vallée de Betahitra, qui lui sont cachées par un saillant du plateau. Mais ces pentes sont en revanche parfaitement couvertes par l’ouvrage d’Anosiravo. Malgré les faiblesses apparentes de la position, ce fut la dernière à se rendre, sur ordre, le 7 mai 1942, après avoir stoppé pendant près de 48 heures l’avancée des britanniques.

La casemate de Bourges du fort de Bétaïtra en septembre 2007. Photographie Caspar Vermeulen.

  • Le fort d’Anamakia (ouvrage H). En tous points identique à l’ouvrage G, le fort d’Anamakia assure le flanquement à droite de l’intervalle G-H au moyen deux canons de 95 millimètres modèle 1888 sur affût C modèle 1904 sous casemate de Bourges. Deux mitrailleuses Hotckhiss complétant l’armement, en assurant la continuité des feux d’infanterie. L’ouvrage a des vues assez limitées sur son front et sur ces flancs ; il ne bat pas en particulier les pentes qui descendent de la Rivière des Caïmans, qui sont par contre sous les feux de la batterie de 155 Long des Caïmans et de celle des 120 à la pointe des Mapous.

La casemate de Bourges du fort d’Anamakia en septembre 2007. Photographie Caspar Vermeulen.

Ces casemates construites avant la note du 8 mars 1902 ne recevront pas les systèmes de crochets et toutes les opérations d’armement ou de désarmement, ainsi que les opérations d’approvisionnement seront exécutées par des moyens de circonstance.

Le plus de Fortification et Mémoire :

Une vidéo de la casemate de Bourges du fort C à Cap Diego : ici.

Une vidéo des fortifications de la baie de Diego Saurez : ici.

Vue aérienne du fort de Vaux et ses deux casemates de Bourges.

Vue aérienne du fort de Vaux et ses deux casemates de Bourges.

A suivre…

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