
Une des deux tourelles cuirassées de type Mougin modèle 1876 armées chacune de deux canons de 155 mm du fort du Barbonnet. Photographie © Serge Forneris.
Dans cet article, les documents mentionnés : «Collection Vaubourg Cédric» ou «Collection Vaubourg Julie» ou «Collection Vaubourg Cédric et Julie» ou «www.fortiffsere.fr» sont publiés avec l’extrême amabilité de monsieur et madame Cédric et Julie VAUBOURG. Ces documents sont extraits de leur site : www.fortiffsere.fr, le site web sur la fortification Séré de Rivières.
Dans cette deuxième partie d’article, Fortification et Mémoire s’intéresse aux différents modèles de casemates et de tourelles cuirassées (non à éclipse) installées dans les forts, en faisant un focus sur les diverses casemates de type Mougin. Puis, nous verrons que les expériences du camp de Châlons (aujourd’hui camp de Mourmelon) vont conduire à la fin de la fonte employée dans la construction des cuirassements et la mise à l’étude des tourelles à éclipse.
Les casemates cuirassées

« Schéma de la transformation des tourelles 1862 – 1882 ». Fortification cuirassée et les forteresses au début du XXe siècle : 1906 -1907 (planches). Collection Gallica.
Tandis que se poursuivent les études de la Commission de Gâvres, l’état-major travaille fébrilement dans l’est à refaire une nouvelle frontière. On juge indispensable d’y installer sans tarder un certain nombre de cuirassements. Aussi, sans attendre les conclusions complètes des expériences en cours, la commission des cuirassements adopte, à titre provisoire, une casemate cuirassée que le commandant Mougin a étudiée, et qui est destinée à résister seulement au canon de campagne. Elle présente une solution heureuse au problème consistant à relier une plaque de blindage à un massif en maçonnerie.
La casemate Mougin en fer laminé contre le canon de campagne
En 1875, ces casemates en fer laminé modèle 1876 contre le canon de campagne sont armées d’un canon de 138 mm de Reffye, puis de 120 Long en 1913 pour les forts de Parmont et de Château-Lambert. Elles sont construites à quatre exemplaires et implantées dans le rideau défensif de la Haute-Moselle, entre les places fortifiées d’Épinal et de Belfort, où, en raison du relief difficile, l’ennemi n’aurait pu (en principe) amener pour les combattre une artillerie d’un calibre suffisant.
Description :

Plan de la casemate Mougin de 138 mm du fort de Parmont. Collection Garnier Florian sur le site www.fortifsere.fr
Ce cuirassement n’est censé résister qu’au canon de campagne. Son champ de tir en site est de -5 degrés à +20 degrés pour 60 degrés en azimut. La plaque frontale de cuirassement (3), épaisse de 15 centimètres, est protégée par deux caissons bardés de tôles et remplis de béton ou de sable, les orillons (7). Entre ces deux caissons la protégeant des coups d’écharpe, l’embrasure est précédée d’un disque obturateur d’embrasure (5) de 20 centimètres d’épaisseur et percé de deux orifices. Ce disque est relié par chaîne à un mécanisme de manœuvre lui imprimant un mouvement de rotation. Les deux ouvertures étant diamétralement opposées, quelque soit la position du disque, jamais il ne devait tourner sur plus de 90 degrés pour dégager l’embrasure.

Casemate cuirassée en fer laminé. Planche extraite des « détails des cuirassements employé dans la fortification », publiée en 1892.
Pour d’autres détails sur cette casemate : ici.
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Deux casemates sont installées au fort d’Arches. Elles sont démontées en 1897 pour l’installation de la tourelle Galopin modèle 1890. Les morceaux de cuirassements restent pendant plusieurs années sur les glacis du fort. En 1902, les plaques de toitures des deux casemates sont envoyées au fort de Dugny à Verdun pour renforcer l’observatoire cuirassé de la tourelle de 75 millimètres. Les restes des morceaux de cuirassement des deux casemates, soit près de 40 tonnes de ferraille, sont présents sur les glacis du fort jusqu’en 1911. En 1912, les morceaux restants serviront à une expérience de résistance sur le fer laminé avec de la mélinite. Ils sont ensuite vendus aux Domaines.
Une casemate est présente au fort du Parmont. Elle est dynamitée par les Allemands en 1943, tous ses éléments épars gisent encore sous les gravats.
La casemate du fort de Château-Lambert est encore en place, mais sans chariot, ni affût.
La casemate Mougin en fonte dure contre le canon de siège
En 1878, apparaissent les casemates en fonte dure modèle 1878 du même commandant Mougin contre le canon de siège et armée d’un canon de 155 Long. Le champ de tir vertical de la casemate est compris entre -3 degrés et +8 degrés. Le champ de tir horizontal est de 15 degrés de part et d’autre de l’axe.
Elles sont construites à dix exemplaires (fort du Mont-Bart, deux casemates au fort de Condé-sur-Aisne, deux casemates au fort de Joux, fort de la Tête de Chien, fort et à la batterie des Ayvelles, deux casemates à la batterie de l’Éperon).
Description (les nombres en gras, ci-dessous, font référence à ceux du plan en coupe de la casemate Mougin) :
L’embrasure est percée dans une plaque en fonte dure nommée bouclier. Cette ouverture n’a que 0,40 mètre sur 0,35 mètre dans sa partie rétrécie ; elle a pu être ainsi réduite grâce à l’adoption d’un affût Grüson (1) à embrasure minimum. Le bouclier à 0,60 mètre d’épaisseur moyenne et pèse 23 tonnes. Il est posé sur un mur de genouillère d’un mètre d’épaisseur en béton de ciment.

L’affût Grüson à embrasure minimum. Aide-mémoire à l’usage des officiers d’artillerie / Renseignements sur les artilleries étrangères – 1882. Collection gallica.
La toiture (10) est formée de quatre plaques en fonte dure, les deux extrêmes de forme trapézoïdale, les deux du milieu, rectangulaires. L’épaisseur de ces plaques varie de 0,5 mètre en avant à 0,15 mètre pour l’arrière. Le poids de celles-ci est de 40 tonnes. Elles sont recouvertes d’une aire en béton dont l’épaisseur augmente en sens inverse de celle des plaques, de manière que l’ensemble présente une résistance uniforme en tous les points. La toiture repose en avant sur le bouclier, de coté sur les piédroits et les murs d’ébrasement de la casemate, en arrière sur une console fixée à une tôle qui garnit la tête d’une voûte en béton de ciment raccordant la casemate proprement dite avec un local en maçonnerie ordinaire de 6,40 mètres de portée.
L’embrasure est protégée par un verrou obturateur (3) pesant 7 tonnes et se mouvant verticalement dans une sorte de puits. Cette pièce est portée par trois chaînes attachées à sa partie inférieure et qui passent sur trois poulies fixées à l’extrémité d’un arbre logé dans un évidement intérieur. À leur autre extrémité, ces chaînes supportent un contrepoids (4), de telle sorte que le verrou se trouve complètement équilibré. On le fait monter ou descendre au moyen de deux autres chaînes (6) fixées chacune, d’une part au verrou, d’autre part au contrepoids. Elles passent sur deux roues à barbotin que l’on peut faire tourner au moyen de deux treuils par l’intermédiaire d’une transmission comprenant des chaînes, roues d’angle, poulies, arbres, etc… Les treuils (7) sont placés dans deux petites niches à droite et à gauche de l’axe de la casemate. Le temps nécessaire pour obtenir l’obturation de l’embrasure après le départ de chaque coup est d’environ 5 secondes.
Le puits dans lequel se meut le verrou a sa margelle protégée par une masse en fonte dure pesant 10 tonnes et appelée à cause de sa forme, étrier (9). Cette pièce repose sur un mur en maçonnerie ordinaire et l’ensemble est protégé par une plongée en béton de 2 mètres d’épaisseur comprenant une partie inclinée au 1/20 et une autre à 3/4 ; le tout est noyé dans un massif de sable d’au moins 6 mètres d’épaisseur.

La casemate cuirassée en fonte dure contre le canon de siège. Détails des cuirassements employés dans la fortification par le capitaine du Génie Simoutre / Planches – 1892. Collection gallica.
On préconise de dissimuler l’embrasure au moyen d’un rideau d’arbres à feuillage persistant.
Des explications complémentaires sur cette casemate : ici.

Fort du Mont-Bart. La casemate Mougin avec une maquette échelle 1:1 d’un canon de Bange de 155 mm Long. Photographie Thomas Bresson.
Les tourelles tournantes cuirassées modèle 1876 du commandant Mougin
En 1876, vingt-cinq tourelles cuirassées modèle 1876 en fonte dure du commandant Mougin sont implantées dans la fortification française de la fin du XIXe siècle. Ce sont les premières tourelles misent au point par la commission des cuirassements (voir ci-dessus). Elles sont armées de deux canons de 155 Long de Bange modèle 1877 sur affûts Grüson. Ces deux affûts sont montés parallèlement. La longueur du recul est de 50 centimètres. La mise à feu des pièces est électrique.

La casemate pivotante Mougin. Historique et organisation de l’artillerie par le capitaine Leroy – 1922. Collection gallica.
Pouvant pivoter autour de leur axe vertical et offrant un angle de tir de 360 degrés, elles sont en général implantées au centre et au sommet des forts. Enchâssées dans des massifs de maçonnerie ou de béton non armé, elles comprennent une avant-cuirasse permettant aux servants des pièces de circuler autour de la coupole, et d’ainsi pouvoir réparer tout incident empêchant la rotation de la coupole. Ces avant-cuirasses ont aussi pour rôle d’éviter le blocage de la coupole en cas de dislocation du massif de maçonnerie ou de béton sous les coups de l’adversaire.
D’autres explications sur cette casemate, ainsi que la liste des vingt-cinq cuirassements installés : ici.
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La tourelle pivotante du commandant Mougin. Détails des cuirassements employés dans la fortification par le capitaine du Génie Simoutre / Planches – 1892. Collection gallica.

La tourelle pivotante du commandant Mougin. Détails des cuirassements employés dans la fortification par le capitaine du Génie Simoutre / Planches – 1892. Collection gallica.
« Les expériences du camp de Châlons »

« Le camp de Châlons a été créé en 1853. Sa superficie est de 12 000 hectares environ. Il a 46 kilomètres de périmètre. Ses plus grandes dimensions sont 12 kilomètres 800 du Nord au Sud et 14 kilomètres 500 de l’Est à l’Ouest. Aucun village n’est enclavé dans le camp de Châlons ».
Les premières expériences françaises sur des cuirassements ont lieu au camp de Châlons en 1887-1888.
Ces expériences sont exécutées à partir du 22 juillet 1887, par une sous-commission, composée d’officiers d’artillerie et du Génie, le Service des cuirassements, ainsi que des ingénieurs de la Marine et des Ponts et Chaussées. Cette sous-commission est souvent appelée «la sous-commission d’expériences de Châlons». Les cuirassements sont installés dans un contexte de combat, et vont fonctionner comme s’ils étaient déjà en place dans les forts. Le but de cette sous-commission est d’abord d’éprouver le fonctionnement et la précision du tir des tourelles, puis leur résistance aux projectiles alors en service ou en essai, ainsi que la résistance à ces projectiles de caponnières cuirassées d’escarpe (non traitée dans cet article).
Expériences concernant les tourelles.
Les tourelles, logées dans un même bloc de béton, sont au nombre de trois. Une tourelle à éclipse de la société Fives-Lille (Nord), armée de deux canons de 155 Long ; une tourelle simplement tournante des aciéries de Saint-Chamond (Loire), armée de même ; un ciel cuirassé de tourelle pour un canon de 155 Court de la compagnie des forges de Châtillon et Commentry (Puy de Dôme). Elles sont protégées par des avant-cuirasses, composées de secteurs diversement constituées, noyés dans le massif de béton (fonte dure, acier coulé et fer laminé).

Coupole du camp de Châlons in La fortification cuirassée et les forteresses au début du XXe siècle / 1906-1907. Collection Gallica.
La tourelle à éclipse comprend une muraille cylindrique mixte (acier et fer), de 0, 45 mètre d’épaisseur et un plafond plat en fer laminé, épais de 0,24 mètre. Les embrasures, réduites au minimum, sont complètement obstruées, les canons n’émergeant que peu à l’extérieur. L’ensemble, reposant sur un pivot hydraulique, peut, alternativement, être élevé et abaissé de 0,80 mètre, au moyen d’une distribution d’eau sous pression, dont l’accumulateur peut être chargé à l’aide d’une machine à vapeur. À la position élevée, le plafond est en saillie de 0,30 mètre sur l’avant-cuirasse. La distribution d’eau sous pression, utilisée pour le mouvement d’éclipsé, sert aussi au pointage en hauteur et au pointage en direction, par rotation de la tourelle. La pièce de gauche est pourvue d’un frein hydraulique et d’un récupérateur à air comprimé, la pièce droite d’un frein hydraulique et d’un récupérateur à rondelles Belleville. La mise de feu est automatique, par étoupille électrique, au moment où les embrasures émergent au-dessus de l’avant-cuirasse. Celle-ci a 0,40 mètre d’épaisseur en haut et 0,20 mètre en bas. Elle comprend, deux secteurs en fonte dure, deux en acier coulé et deux autres, en fonte évidée par économie. Elle est prolongée en dessous par un jupon en fer pour protéger, jusqu’à une certaine profondeur, les substructions de la tourelle.
La tourelle tournante comprend une calotte sphérique, en fer laminé de 0,24 mètre d’épaisseur, reposant sur une charpente cylindrique, reliée par panneaux et entretoises. L’ensemble repose sur un piston de presse hydraulique, pour alléger la tourelle, que l’on peut aussi faire tourner à bras au moyen d’un treuil. Les bouches à feu font saillie de 0,50 mètre et leurs volées n’obturent pas complètement les embrasures ; elles sont munies de freins hydrauliques et de récupérateurs à rondelles Belleville. Le pointage en hauteur s’effectue au moyen de pompes à main. La mise de feu est automatique, par étoupille électrique, dès que la tourelle est pointée en direction. L’avant-cuirasse est analogue à celle de la tourelle à éclipse, sauf que les deux secteurs en acier coulé sont remplacés par deux secteurs en fer laminé, qui n’ont que 0,22 mètre d’épaisseur en haut et 0,18 mètre en bas.
Le ciel cuirassé de tourelle pour un canon de 155 Court, comprend une coupole en acier, coulée d’un seul bloc, de 0,20 mètre d’épaisseur à la clef. Il repose sur une charpente logée dans une cuve en maçonnerie, protégée par une avant-cuirasse improvisée, formées d’anciennes plaques de blindage cintrées et noyées dans le massif général de béton.
Les avant-cuirasses des trois tourelles sont noyées dans le massif de béton de 3,30 mètres d’épaisseur moyenne.
Des obus de 155 millimètres sont tirés contre les tourelles.
Ils comprennent pour le 155 millimètres et les mortiers de 220 millimètres et de 270 millimètres : des obus de rupture de type A (sans chargement) et type B (chargés en mélinite fondue), pesant, suivant le calibre, 53 kilogrammes, 153 kilogrammes et 286 kilogrammes, dont respectivement 1,600 kilogramme, 6 kilogrammes et 10 kilogrammes d’explosif et ayant, les uns une tête plate, pour attaquer les surfaces fuyantes (ciels de tourelles et coupoles), les autres une ogive pour attaquer les parois verticales ; les obus à tête plate sont, le plus souvent, dotés d’ogives rapportées en zinc. Des obus allongés contenant, suivant le calibre : 12 kilogrammes, 36 kilogrammes et 65 kilogrammes environ de mélinite. Des obus à grande capacité, appelés aussi obus-pétards, ainsi nommés parce qu’ils sont organisés de façon que, leur partie antérieure s’écrasant au choc, le centre de gravité du chargement se rapproche le plus possible de l’obstacle à briser. À cet effet, ces obus ont une tête hémisphérique non trempée. L’obus-pétard de 270 pèse 120 kilogrammes, dont 40 kilogrammes de mélinite. Pour une charge donnée d’explosif, cet obus a fourni à Châlons, les meilleurs résultats.
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Les principaux effets des tirs d’attaque.
On teste d’abord les tirs de plein fouet avec des obus de rupture. Ces tirs de plein fouet à obus de rupture de 155 millimètres sont exécutés à 150 mètres, avec des charges donnant les vitesses au choc des projectiles du même calibre, tirés à 2 500 mètres ou 3 000 mètres, avec les canons de 15 centimètres, les plus puissants de l’époque. Les obus qui n’ont pas ricoché donnent seulement des empreintes d’une douzaine de centimètres de profondeur moyenne, les empreintes des obus, à tête plate, chargés on non, favorisant la pénétration (sans ricochets) des obus à ogive.

La photographie représente l’état de la tourelle de Saint-Chamond après les tirs de rupture de 155 sur le voussoir opposé aux embrasures. L’artillerie de terre en France pendant un siècle. Histoire technique (1816-1919) du général J.Challéat, tome 2.
Ensuite viennent les tirs d’embrasure exécutés avec des obus ordinaires, des obus à mitraille et des obus allongés de 90 millimètres, tirés à 2 400 mètres, et, ensuite, avec des obus de rupture de 155 millimètres, tirés à 150 mètres. Des tirs d’infanterie contre les embrasures sont aussi essayés avant les tirs d’embrasure de 155 millimètres. Les effets des obus de 90 millimètres sur les cuirassements mêmes sont insignifiants. Des éclats ont, par contre, pénétré par les embrasures incomplètement obturées de la tourelle tournante et un seul obus allongé a brisé les deux volées des faux canons en fonte, qui faisaient saillie hors de la tourelle, alors que les bouches des canons de la tourelle à éclipse ont reçu seulement des éclats.

La photographie représente l’état de la tourelle de Saint-Chamond lorsqu’un seul obus allongé a brisé les deux volées des faux canons en fonte, qui faisaient saillie hors de la tourelle, alors que les bouches des canons de la tourelle à éclipse ont reçu seulement des éclats. Histoire technique (1816-1919) du général J.Challéat, tome 2.
Les tirs d’infanterie ne donnent rien sur le personnel de la tourelle à éclipse, de même que sur celui de la tourelle tournante. Les tirs d’embrasure, de 155 millimètres brisent les faux canons ; ils empêchent, en outre, de réarmer la tourelle à éclipse. Les tirs d’attaque sous de grands angles, à 2 700 mètres, absorbent : 50 obus pétards de chacun des mortiers de 270 millimètres et de 220 millimètres, tirés sous 30 degrés ; 26 obus allongés de 155 millimètres, 64 de 220 millimètres et 36 de 270 millimètres, tirés sous 30 degrés et 45 degrés ; 96 obus de rupture, type B (22 de 155 millimètres, 42 de 220 millimètres, 32 de 270 millimètres), tirés sous 45 degrés et 60 degrés.
Les résultats
La tourelle à éclipse a reçu 4 coups sur la paroi verticale et 12 coups sur le toit. Contre la paroi verticale, ces coups aggravent les effets des tirs de plein fouet et, sur le plafond, ils détachent des morceaux de métal, qui causent, par leur chute, de graves avaries aux mécanismes.
La tourelle de Saint-Chamond reçoit 9 coups et a mieux résisté; il ne s’est détaché qu’un seul morceau de métal.
Le ciel de la tourelle pour 155 Court est mise hors de service par 6 obus allongés (4 de 220 millimètres et 2 de 270 millimètres). Les coups tombés sur les avant-cuirasses ont produit peu de dégâts.
Le massif enveloppe, en béton, a reçu 98 projectiles, savoir 17 obus de rupture des trois calibres employés, 55 obus allongés des trois calibres et 28 obus-pétards des deux mortiers. Ils causent souvent des entonnoirs, dont la profondeur varie de 0,40 mètre à 1 mètre. Les tirs exécutés sur les avant-cuirasses, préalablement dégagées du béton qui les couvre en avant, donnent les résultats suivants : 17 obus de rupture des types A et B, détruisent le voussoir en fonte dure de la tourelle à éclipse; il en est sensiblement de même pour celui de la tourelle tournante.
Ces expériences comprennent également des essais de fonctionnement et de tirs de précision des tourelles à éclipse et tournante, mais celles-ci sortent du cadre de notre articles.
La fin de la fonte dans les cuirassements ou l’après Châlons
Aucun des cuirassements expérimentés à Châlons n’a donné de résultats entièrement satisfaisants. Pour être fixé une bonne fois pour toute sur les matériaux à utiliser, la commission de Châlons organise des épreuves de tir, fin 1888 à la Poudrerie nationale militaire du Bouchet (Essonne).

La poudrerie militaire du Bouchet à Vers-le-Petit, dans la Seine-et-Oise (devenue l’Essonne). En 1820, une terrible explosion détruit la poudrerie et une bonne partie du bourg. Le gouvernement décide alors le transfert de l’établissement au Bouchet. Il achète une partie de l’ancien parc du château, l’emplacement de celui-ci et ce qui constituait la manufacture d’armes du Bouchet pendant la Révolution et l’Empire soit environ 25 ha. Au cours du siècle, d’autres acquisitions suivirent, portant la superficie de la poudrerie à plus de 60 ha en 1900.
Les plaques testées sont en acier coulé, acier martelé au fer laminé et en fer laminé. La décision ministérielle du 1er juin 1889, précise que tout nouveau cuirassement doit comporter une calotte en fer laminé et une muraille en acier à blindage. La calotte devra en plus être légèrement bombée. L’avant-cuirasse sera en fer laminé, ou de préférence en acier coulé.
Pour le moment, il n’est pas encore question d’étudier des cuirassements pour armes de petit calibre, on reste aux canons de 155 Longs. La tourelle devra pouvoir s’éclipser, et le mouvement très rapide, afin de soustraire au plus vite les embrasures aux tirs ennemis. Il faut également supprimer tout mécanisme compliqué ou fragile. L’appareil devra être rustique, simple, manœuvrable par un petit nombre d’hommes sans le secours d’une machine à vapeur. On exige également la présence d’un système de ventilation.
Va venir les temps des tourelles à éclipse…mais ceci est une autre histoire !!!
Nous espérons que cet article vous aura intéressé tout autant qu’il fut passionnant pour nous à écrire. En tout cas, Fortification et Mémoire est heureux de vous faire partager le fruit de ses recherches.
Sources :
Bibliographie
- La muraille de France ou la ligne Maginot, Philippe Truttmann – édition Gérard Klopp, 1992 ;
- Index de la fortification française 1874-1914, Marco Frijns, Luc Malchair, Jean-Jacques Moulins, Jean Puelinckx, autoédition, 2008 ;
- École supérieure de guerre. Cours de fortification : la fortification cuirassée et les forteresses au début du XXe siècle, second tirage revu et mis au point / par Mr le Lieutenant-Colonel Piarron de Mondesir, 1906 ;
- Histoire de la fortification jusqu’en 1870, tome 2 : de Vauban à l’artillerie rayée, Paul Émile Delair, Gérard Klopp éditeur, 2004 ;
- Détails des cuirassements employés dans la fortification, capitaine du Génie Simoutre, 1892;
- L’artillerie de terre en France pendant un siècle. Histoire technique (1816-1919) du général J.Challéat, tome 1 et 2 ;
- Revue d’artillerie de 1875 à 1880 ;
- L’outillage d’une armée en campagne / canons et forteresse, G. Béthuys et CL. Manceau, 1892.
Internet
- wikipédia.org ;
- fortiffsere.fr ;
- gallica.fr ;
- lignemaginot.com ;
- mémoire-et-fortification.fr