
Celui par qui tout est arrivé : Eugène Turpin, découvreur de la mélinite. Il pose en compagnie de « la turpinite », un obus de son invention. Collection gallica.fr
Dans cet avant-dernier article sur les fortifications du Chemin des Dames, nous allons aborder les points essentiels d’une crise qui va révolutionner, ou tout du moins bouleverser les concepts de la fortification alors en vigueur et entraîner la mise en place de solutions pour tenter de contrer la nouvelle menace. Cette nouvelle menace, connue sous le nom de « crise de l’obus-torpille » va obliger à modifier les forts existants et définir de nouvelles normes de construction.
Dans cet article, les documents mentionnés : «Collection Vaubourg Cédric» ou «Collection Vaubourg Julie» ou «Collection Vaubourg Cédric et Julie» ou «www.fortiffsere.fr» sont publiés avec l’extrême amabilité de monsieur et madame Cédric et Julie VAUBOURG. Ces documents sont extraits de leur site : www.fortiffsere.fr, le site web sur la fortification Séré de Rivières.
La genèse
« Obus-torpille » telle est la curieuse dénomination adoptée vers 1886-1887 pour désigner les premiers obus appelés à éclater sous l’action d’un explosif brisant, car la puissance de ces nouveaux projectiles leur vaut d’être comparés à celle des premières torpilles dont la marine française entame la fabrication en 1876.
Le capitaine Gaston Moch dans : »Vue générale sur l’artillerie actuelle » [Berger-Levrault, 1895] en donne cette définition : »On réduit le corps du projectile au minimum ; il n’est plus qu’une enveloppe destinée à transporter au loin la plus grande quantité possible d’explosif ; on arrive à la conception de l’obus-torpille ».
On expérimente, d’ailleurs depuis 1868, ce que l’on nomme des « torpilles terrestres » c’est-à-dire des engins préfigurant les mines anti-chars puisqu’il s’agit de fortes charges, destinées à exploser au passage d’une troupe ennemie. En 1878, on a même essayé une de ces torpilles conçue pour être enfouie sous les rails d’une voie ferrée et exploser au passage d’un train. Des recherches analogues sont poursuivies à l’étranger et notamment en Autriche, mais aucun engin n’est finalement retenu.
Il en est autrement pour les « obus-torpilles » et leur apparition en 1885 marque le terme d’une longue évolution, puisque l’on cherche depuis le début du siècle à transformer la nature des projectiles d’artillerie. Au lieu des boulets pleins, que tirent les canons de Gribeauval et dont l’effet se limite au choc de l’impact, on souhaite lancer des projectiles éclatant à l’instant où ils atteignent l’objectif, en donnant naissance à une grêle d’éclats. Certes on connait déjà, depuis la fin du XIVe siècle, les boulets creux, contenant une charge de poudre noire, envoyés par des obusiers : leur explosion s’effectue lorsqu’une mèche, allumée par le départ du coup atteint la charge explosive. L’amorçage rudimentaire restreint l’efficacité de ces « obus ». Le problème est complexe et il trouve d’abord une ébauche de solution sous le signe des obus à balles. Vers la fin des guerres napoléoniennes les Anglais avaient utilisé des boulets creux dits shrapnels du nom de leur inventeur Henry Shrapnel, lieutenant d’artillerie. Ceux-ci renferment des balles de plomb. Les parois de cette sphère sont suffisamment minces pour qu’une charge de poudre noire provoque la fragmentation de l’enveloppe et l’expulsion brutale des billes. À cet effet, une fusée rudimentaire détermine l’explosion à une distance assez imprécise mais avant l’impact au sol ; les balles, pour lesquelles la vitesse restante du projectile augmente la vitesse d’expulsion viennent alors, avec une bonne efficacité, couvrir une zone assez étendue du champ de bataille.

Cartouche de 77 mm allemand, la douille contenant de la nitrocellulose (explosif sous forme de corde) et l’obus des shrapnels (balles de plomb).
Quelques dates……explosives !
En 1880, la fusée, le dispositif contrôlant l’éclatement des obus, permet de les faire éclater avant l’impact, au-dessus des forts, et de neutraliser l’artillerie et leurs servants, encore à l’air libre, sous une pluie d’éclats et de balles.
En 1883, apparaissent les fusées à effet retardé provoquant l’explosion après impact, permettant au projectile de pénétrer le massif de la fortification et d’exploser à la manière d’une mine.
En 1884, est découvert, par l’ingénieur Vieille, le coton-poudre gélatinisé ou “poudre sans fumée”, dans le laboratoire central du Service des Poudres et Salpêtres à Paris. Initialement désignée Poudre V, elle fut rebaptisée Poudre B puis modifiée en poudre BF en 1887 et enfin Poudre BN3F avant la Première Guerre mondiale. Elle introduit, pour la première fois au monde, une poudre pour l’armement laissant très peu de résidus de combustion et ne produisant pas de fumée pendant le tir. De surcroît, elle est trois fois plus puissante, à poids égal, que la poudre noire. Cet explosif va constituer la charge propulsive des obus. L’artillerie est maintenant débarrassée de son nuage de fumée, rendant difficile les tirs de contre-batteries.
En 1885, apparaît un nouvel explosif très puissant : la mélinite. Son nom vient du grec mélinos, couleur du coing. Ce nouvel explosif chimique est découvert (par hasard dit-on) par l’ingénieur français, Eugène Turpin. Il surpasse en puissance l’ancienne poudre noire. Mis dans des obus, il va en constituer la charge détonante. Afin de faire reconnaître ses droits sur ce nouvel explosif, il tente de déposer un brevet. Mais l’État lui refuse tel qu’il le revendique, considérant que des travaux ont déjà mis en évidence les propriétés explosives de l’acide picrique, mais lui reconnait toutefois des droits sur la méthode de chargement utilisée. Turpin reçoit 251 000 francs pour son invention, « pour solde de tout compte » ; il doit renoncer à toute réclamation ultérieure concernant l’emploi fait de l’acide picrique par l’administration militaire.
Le plus de Fortification et Mémoire : comment on a vendu la Mélinite par Eugène Turpin.
Lu dans « 14-18, un autre regard » de Jacques Braibant : « 1er août 1914. Un article fait sensation : « Turpin offre ses dernières inventions à la France ». Turpin a créé cinq nouveaux engins si redoutables qu’il était décidé de les garder secrets. Avec eux, on pourrait instantanément, au Creusot, transformer de telle façon les obus existants qu’un seul suffirait à anéantir, par exemple, tout l’équipage d’un dreadnought ou toute la garnison d’un fort. En rase campagne, la situation des troupes qui les auraient en face d’elles deviendrait intenable. Les victimes seraient si nombreuses que la démoralisation ne tarderait pas à se produire. Ces engins sont à la disposition du pays. Turpin se présentera incessamment au ministère de la Guerre pour les offrir, en ces heures tragiques, sur l’autel de la Patrie.»

Eugène Turpin a travaillé également sur un type de nouveau projectile, le cigare turpinite (légende de la carte postale), une sorte de fusée ou missile chargée de mélinite.
En 1886, est réalisé un obus cylindro-ogival à « explosif brisant », utilisant ce nouvel explosif. Il est fabriqué en acier au lieu de la fonte utilisée jusqu’alors. Par comparaison, un obus de 155 millimètres en fonte et pesant 40 kilogrammes renferme 1,3 kilogramme de poudre noire tandis qu’un obus de 155 millimètres en acier pesant 43 kilogrammes contient 10 kilogrammes de mélinite. Ces projectiles de 155 millimètres à 220 millimètres, armés d’une fusée à amorce retardée, explosent à cinq mètres sous terre. Ils ont des effets dévastateurs sur les revêtements de terre et de maçonnerie avec des résultats comparables à ceux d’une torpille sur un navire, d’où le nom “d’obus-torpille”. Cet obus va rendre obsolète les traverses abris qui ne protègent plus les servants des pièces d’artillerie, comme les casernes abritant les soldats. De même, il permet également d’allonger la portée des pièces, par exemple, une pièce de 155 millimètres augmente sa distance de frappe de neuf kilomètres à douze kilomètres selon le type d’obus employé.

Carte postale satirique « La Turpinite : poudre insecticide française » de 1915. Extrait du livre sur l’exposition Guerre et Poste, éditions Casterman.
En 1885, la direction du Génie décide de tester ces nouveaux obus sur un fort pour y étudier les dégâts causés aux fortifications. C’est le fort de la Malmaison (commune de Chavignon, place de Laon, Aisne), alors fort de deuxième ligne, qui est choisi, pour ce que l’on a dénommé : les Expériences de Chavignon. Le fort est mis en état de défense. (Voir article à venir : les fortifications du Chemin des Dames : le fort de la Malmaison).
On obstrue avec des rails et des madriers les portes et les fenêtres des locaux s’ouvrant sur les cours intérieures de l’ouvrage et on s’efforce de déterminer les effets d’un obus venant éclater dans l’une des cours. À cet effet, on dispose dans celles-ci divers projectiles, on fait sauter les uns puis les autres, et force est de constater que les éclats percent souvent le matelas de rails et de madriers.
On mesure ensuite la profondeur des entonnoirs créés dans les terrassements, puis on étudie le comportement des locaux souterrains sous l’effet d’un tir plongeant. Ces locaux sont protégés par des voûtes en maçonnerie de 0,80 mètre à 1 mètre d’épaisseur que surmonte une couche de terre d’au moins 1,50 mètre ; or l’obus de 155 millimètres va triompher de cette double protection et l’obus de 210 millimètres va engendrer obligatoirement des dégâts beaucoup plus considérables.
Ces expériences s’y déroulent du 11 août à fin octobre 1886. En trois séries, 170 obus chargés d’acide picrique (la mélinite) sont tirés sur le fort par des pièces de 155 Long (obus de 40 kilogrammes) et des mortiers de 220 millimètres (obus de 90 kilogrammes).
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Les résultats sont accablants ! Casernes et traverses-abris détruites (les obus creusant des entonnoirs de six mètres de diamètre), magasins à poudre et caponnières percés et les murs d’escarpe et de contrescarpe complètement bouleversés (comblant les fossés), les protections mises en place devant les ouvertures des locaux sont transpercées. Des essais complémentaires sont poursuivis sur le polygone de Bourges pour mesurer les effets sur les abris en béton et en simple maçonnerie.
Le rapport final indique que toutes les fortifications construites depuis 1870 sont totalement obsolètes et qu’il faut prendre de nouvelles mesures pour pallier les effets dévastateurs de ces nouveaux obus.
Ci-dessous, le compte rendu des expériences de Chavigon relatées dans l’Année scientifique et industrielle de 1886.
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Un terrible accident a cependant jeté un doute sur la stabilité de la mélinite. Le 10 mars 1887, un groupe d’artificiers s’emploie à charger en mélinite d’anciens obus en fonte lorsqu’une explosion se produit, tuant neuf hommes et en blessant grièvement huit autres. La cause de cet accident, survenu à l’arsenal de Belfort, est heureusement décelée très vite. Avant de les charger, on a lavé l’intérieur des obus, qui ont contenu auparavant de la poudre noire, avec de la potasse. Les traces de potasse, qui subsistent, se sont combinées avec l’acide picrique pour donner un picrate (les sels de l’acide picrique) très instable.
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On s’empresse d’interdire un semblable lavage et les tirs d’essai, qui sont ensuite effectués au polygone de Calais du 10 septembre au 13 septembre de la même année, ne donnent lieu à aucun incident.
La cause de la mélinite est ainsi gagnée, mais les artilleurs, comme les sapeurs, veulent en connaître davantage sur les effets des obus-torpilles et réclament deux autres séries d’expériences qui ont lieu au fort de Saint-Cyr à la fin de l’année 1887 et au camp de Châlons dans les premiers mois de l’année 1888.
La modernisation des forts face à la crise de l’obus torpille ou le fort de type 1885
Au cours des années 1880, alors qu’une grande partie des ouvrages du plan « Séré de Rivières » sont sortis de terre, interviennent les découvertes évoquées ci-dessus améliorant l’armement : l’obus à mitraille, la poudre sans fumée et l’obus cylindro-ogival à explosif brisant. Celles-ci se trouvent confirmées par l’expérience de Chavigon. Ces faits remettent en cause les principes techniques régissant la construction de toutes ces fortifications.
Les résultats sont sans appel : les voûtes en maçonnerie sont percées, les superstructures du fort sont bouleversées et les fossés partiellement comblés. Les forts nouvellement construits ne pourront pas résister à une telle attaque. La mélinite vient de réduire à néant, en un instant, quinze ans de fortifications …. Quatre cents places fortes, dont beaucoup viennent sortir de terre, sont désormais obsolètes et dangereuses pour leurs occupants !
Toutefois, en France les premières conclusions des expérimentations ont été tirées dès 1886, où deux instructions ministérielles apportent une solution partielle au problème de la refonte de nos fortifications, pour aboutir aux forts de type 1885 à 1914.
Ci-dessous, à titre d’exemple, les plans du fort de Longchamp en 1885 et en 1914. Ces deux schémas illustrent les modifications engendrées par la crise de « l’obus-torpille », décrites ci-après, sur les forts construits avant la crise.
Dominant le nord-est de la place d’Épinal, le fort de Longchamp est en 1914, l’un des forts modernisés les plus puissants de France. Il fut équipé de tourelles cuirassées extérieures, annonçant la structure des ouvrages de la Ligne Maginot.
Quelles sont ces solutions ?
- L’artillerie ne peut plus être maintenue dans les forts ; elle est dispersée dans les dépressions de terrain voisines de ces derniers, dans des batteries annexes, beaucoup plus difficilement localisables. La dispersion d’artillerie pose le problème du transport, dans les places fortes, pour ravitailler les batteries ainsi que les ouvrages qui sont dispersés. La solution passe par l’adoption d’un train à voie de 60 inventé par le colonel Péchot en 1888 (le système Péchot). C’est la naissance du fort « éclaté ».
- On conserve seulement dans les ouvrages une ou deux tourelles cuirassées tournantes pour des tubes de 155 millimètres. Puis, ces tourelles vont être pourvues d’un système d’éclipse pour diminuer leur vulnérabilité.

Plan en coupe de la tourelle cuirassée tournante Mougin du fort de Longchamp. Collection Cédric Vaubour – http://www.fortiffsere.fr

La tourelle Galopin de 155 Long modèle 1890 de la batterie de l’Éperon. Cliché VAUBOURG Cédric – http://www.fortiffsere.fr
- L’abandon de l’emploi de la poudre noire, dont la gestion est dispersée pour des raisons de sécurité due au caractère instable de celle-ci, par un regroupement des différentes cellules de préparation.

La gestion des munitions au fort de Parmont (Remiremont) avant la crise de l’obus torpille. Collection le fort-du-parmont.com

La gestion des munitions au fort de Parmont (Remiremont) après la crise de l’obus torpille. A noter la création d’une voie de 40 pour la distribution des munitions aux pièces d’artillerie. Collection le fort-du-parmont.com
- On précise la physionomie des forts qui pouvent offrir une résistance aux obus-torpilles . Leurs « dessus » ne doit plus présenter que des épaulements pour les fantassins. Ceux-ci ne venant occuper cette « crête de feu » qu’à l’instant de l’assaut adverse.
- Renforcement des casernements existants par une couche de béton non armé, d’une épaisseur variant de 1,50 mètre à 2,50 mètres, coulée sur les maçonneries existantes, recouvertes par environ 1 mètre de sable et doublés, si besoin, par un massif de rocaille (uniquement appliquée pour les ouvrages considérés comme prioritaires). Les secteurs renforcés sont signalés par une ligne rouge peinte sur les murs. Elle signifie que l’on est à l’abri des obus à mélinite, d’un diamètre inférieur à 27 centimètres (le mortier de 270 est le calibre français le plus gros à l’époque). Tous les locaux d’habitation et toutes les installations nécessaires à la vie de garnison sont desservis par des galeries souterraines.

Ce secteur renforcé des galeries du fort de Douaumont est signalé par une ligne rouge sur les murs. Elle signifie que l’on est à l’abri des obus à mélinite, d’un diamètre inférieur à 27 centimètres.
- Remplacement des caponnières en pierres (placées contre l’escarpe et prenant les fossés en enfilade), devenues trop vulnérables par des coffres de contrescarpe en béton.
- Installation de cloches blindées d’observation.
- Emploi exclusif du béton spécial de fortification, puis du béton armé pour la construction de tous les nouveaux ouvrages.
- Remplacement des entrées existantes (en fait, souvent conservées pour l’usage du temps de paix) par une entrée dite ‟de guerre”. Cette entrée bétonnée, au fond du fossé, est accessible par une rampe aménagée dans la contrescarpe. Elle est équipée de dispositifs d’interdiction (ponts mobile enjambant les fossés, fortes grilles anti-infanterie).

Le renforcement du fort du Vézélois en 1905. Construction d’une entrée de guerre. Collection archives départementales de Belfort.
- Modification du profil des fossés. Ils étaient constitués de murs maçonnés d’escarpe et de contrescarpe. La largeur des fossés est de dix mètres minimum, pour une profondeur en général entre cinq mètres à sept mètres. Le fossé de contrescarpe ne pose aucun problème ; il est établit sous la protection du massif extérieur, et n’apparait pas à l’ennemi. Le fossé d’escarpe par contre est en plein sur la trajectoire du nouvel obus à mélinite. Les nouveaux forts ont donc une escarpe de terre et non plus de pierre ou de brique. Comme leur surface qui n’est plus verticale, mais présentant un angle favorable à l’escalade, ils sont protégés à leur base par une solide grille. Dès que les barbelés feront leur apparition, les fossés en seront équipés.
- Aménagement des coffres dans les contrescarpes. Auparavant, les coffres sont adossés à l’escarpe (schéma ci-dessous en rouge), ce qui est logique puisque les défenseurs sont dans la place. Avec le nouvel obus, les caponnières ne défendent plus rien du tout puisqu’elles sont vulnérables aux nouveaux obus. Il est impossible de les bétonner ou de les recouvrir de terre parce que sinon elles seraient un point faible pour des troupes ennemies parvenues à atteindre les superstructures. Il faut donc entièrement les repenser. Et pour commencer, les mettre de l’autre côté du fossé. Après, les coffres sont installés à l’extérieur de la place, du côté ennemi, parce que cette zone est protégée du tir de leur artillerie. Il faut bien évidement créer des boyaux permettant d’aller en dessous du fossé jusque à ces coffres. Il est nécessaire de modifier le tracé des fossés pour éviter que le coffre devienne un endroit où le fossé est resserré.
La crise de l’obus-torpille représente financièrement comme militairement, une catastrophe ! Les nouveaux forts qui ont coûté une fortune ne servent plus à grand-chose, voire plus à rien du tout dans l’état dans lesquels ils sont. La première urgence est de sauver ce qui peut l’être et la seconde de modifier ce qui peut l’être. Donc, tout un ensemble de travaux longs, coûteux et délicats s’imposent. Rien d’étonnant s’ils sont entrepris seulement pour un petit nombre d’ouvrages. Séré de Rivières a construit dans le nord-est et aux frontières du Jura et des Alpes un total de cent soixante-six forts et quarante-trois ouvrages secondaires ; on modernise seulement ceux constituant l’ossature des quatre grandes places de l’est : Verdun – Toul – Épinal – Nancy. Cette constatation brutale frappe les ingénieurs et les chefs militaires au point que l’on parle de “la crise de l’obus-torpille” !
Les spécialistes s’accordent à écrire que cette crise commencée en 1885, s’est prolongé jusqu’en 1914. Vingt-neuf ans pour concevoir et réaliser les adaptations nécessaires ! Les autres forts demeurent en leur état originel et la chute accélérée de plusieurs d’entre eux en 1914 ne surprit que le grand public.

Vue aérienne du fort de Brimont à la fin de l’année 1918. Le fort de Brimont est un ouvrage militaire de type Séré de Rivières appartenant à la ceinture fortifiée de Reims. Sur ce fort non modernisé, on remarque les effets de l’artillerie. Collection T. Geffrelot.
A suivre….Le fort de la Malmaison